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Nous avons de l’espace à leur donner, mais qu’ils y respectent notre liberté. Dans l’ouest, des Hongrois ont été chassés par des catholiques allemands parce qu’ils lisaient une bible protestante. Je le dis au nom de la tolérance religieuse, cela ne doit pas être toléré. » Il y a eu aussi quelques paroles dirigées contre les sectes mystiques et en faveur d’un christianisme actif. « Notre reconnaissance envers Dieu, a dit M. Hawkes, doit être en action, non en paroles ; nous devons donner tout ce que nous avons reçu. Dieu demande l’action, et non certaines émotions qui font oublier l’action. On parle de belle mort, on me dit qu’un tel a fait une belle mort : je demande comment il a vécu ? »

Tandis que le ministre de l’église épiscopale tonnait ainsi à la fois contre les catholiques, les dissenters mystiques et les révolutionnaires, un ministre méthodiste prêchait, dans une autre église en l’honneur de Kossuth et de l’intervention, à un certain degré, de l’Amérique dans les affaires européennes.

J’ai vu à Cambridge ce qu’il y a, je crois, de mieux aux États-Unis sous le rapport des sciences naturelles. Ici j’ai eu occasion d’interroger un professeur de chimie de l’université de New-York, M. Draper, sur le progrès des connaissances physiques. Sa réponse m’a frappé d’autant plus qu’il est Anglais de naissance, et par conséquent moins exposé a céder, en vantant l’Amérique, à un préjugé national. Nous parlions du journal scientifique de Silliman, bien connu et estimé en Europe. M. Draper m’a dit qu’à l’origine la plus grande partie de ce journal était remplie de comptes-rendus des travaux européens, et que les recherches originales des Américains étaient en minorité, mais que maintenant la proportion était inverse. M. Draper disait vrai, comme chacun peut s’en assurer ; ce fait n’est-il pas la preuve d’un progrès évident ?

Il est naturel que le mouvement scientifique aux États-Unis tende surtout aux applications utiles. Ainsi la navigation à la vapeur avait été pressentie en France par Papin, essayée sur le Rhône par le marquis de Jouffroy, mais c’est aux États-Unis que Fulton, le premier, a montré qu’on en pouvait tirer un parti sérieux. Un Américain, à qui je parlais des essais antérieurs tentés en Europe, et du bateau dont deux Américains, Fitch et Rumley, se disputaient l’invention en 1788, m’a répondu : « Qu’importe cet essai ? Le véritable inventeur est celui qui rend une invention pratique. » Je ne suis pas de son avis : il y a souvent plus de génie à créer une machine imparfaite qu’à perfectionner un procédé déjà connu. Je dirai plus, si les recherches qui semblent les plus dénuées d’utilité n’avaient pas été entreprises par un pur amour de la science, combien d’applications utiles, nées de ces recherches, seraient encore à naître ! Les calculs mathématiques les plus profonds ont été nécessaires pour qu’on pût arriver dans