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beaucoup de soin, sur la vaste étendue qu’il embrasse, un examen géologique, qui est un travail considérable[1]. La constitution géologique des États-Unis avait d’abord trop peu attiré l’attention de l’Europe ; l’étude en est cependant d’une grande importance. M. Agassi, qui connaît également bien l’Europe et l’Amérique septentrionale, pense que les géologues devront désormais tenir grand compte de celle-ci[2], car les terrains à fossiles anciens y sont développés dans des proportions énormes[3], et y offrent des particularités remarquables. L’état de New-York est en grande partie composé de ces terrains appelés siluriens, sur lesquels des travaux récens ont appelé tant d’intérêt, et qui contiennent des débris d’êtres vivans appartenant à la création la plus reculée. Le musée d’Albany présente une très belle collection de toutes les formations que renferme l’état de New-York. Au lieu d’adopter les noms consacrés par l’usage européen, les savans américains ont créé pour ces diverses formations une nomenclature tout américaine. Les États-Unis ont toujours le désir de se montrer indépendans de l’Europe, et ce trait de caractère se retrouve dans les choses de la science comme dans cette maxime de leur politique qui repousse de leur continent toute intervention européenne. Le même naturel se mêle à tout et perce partout[4].

Après avoir passé quelques heures très intéressantes dans la collection géologique, je suis descendu chercher M. Johnson au milieu de ses échantillons de graines et de ses instrumens aratoires. Il m’a dit et m’a montré beaucoup de choses curieuses. Je ne veux point me donner des airs d’agronome qui m’iraient fort mal ; j’indiquerai seulement à mes risques et périls quelques traits qui me semblent caractériser dans l’agriculture ce génie américain que j’étudie dans toutes ses manifestations et sous tous ses aspects. Ayant eu occasion, pendant mon dernier séjour en Angleterre, de visiter quelques-unes des fermes les plus célèbres appartenant à divers grands propriétaires de ce pays[5], j’ai pu apprécier sur place cette magnifique économie

  1. Depuis mon retour, j’ai entendu M. Elie de Beaumont déclarer que les grands travaux géologiques accomplis aux États-Unis avaient une haute valeur scientifique. Il a exprimé la même opinion dans l’ouvrage qui, sous le titre trop modeste de Notice sur les systèmes de Montagnes, contient ses vues les plus nouvelles sur la partie de la géologie qu’il a crées.
  2. C’est également l’opinion de M. de Verneuil, qui a attaché son nom à l’étude de cette classe de terrains, comme l’ont fait aussi M. Murchison et M. Barande.
  3. Depuis les rochers fossilifères inférieurs jusqu’au près rouge du Catskill, ces terrains ont une épaisseur en maximum de six mille pieds. Les géologues américains y ont reconnu vingt-huit formations qu’ils rapportent à quatre grandes classes ou séries, Silliman’s-Journal, t. XLVII, p. 49.
  4. J’ai entendu détendre au point de vue scientifuque l’opportunité de ces dénominations purement américaines.
  5. J’ai eu l’avantage de faire cette tournée avec M. de Lavergne, alors professeur à l’institut agronomique de Versailles. Cet institut ayant été brusquement supprimé, M. de Lavergne professe maintenant dans la Revue des Deux Mondes, au grand bénéfice de ses lecteurs.