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à qui sa santé n’a que trop rendu nécessaires les séjours en Italie, en avait rapporté plusieurs documens inédits qui intéressaient l’histoire des temps barbares. « Avec ces épis il avait, ce sont ses paroles, cueilli quelques fleurs de poésie, comme le liseron mêlé au blé mûr. » Ces fleurs, c’étaient des chants religieux composés par d’humbles disciples de saint François ; leur pieux admirateur s’est plu à les assortir autour des naïfs récits qui forment la légende du saint, et portent le nom de fioretti, petites fleurs, de saint François ; il nous donne encore les fioretti eux-mêmes, choisis et mis en français par une main, dit-il, plus délicate que la sienne, et qu’il a été heureux de trouver si près de lui.

Je me souviens que, voyageant en Sicile avec quelques amis, nous fîmes rencontre d’un capucin qui, à nos marteaux, nous jugeant plus grands géologues que nous n’étions, offrit de nous mener voir une excavation faite près de son couvent, et dans laquelle, avec la vive intelligence de leur pays, ces bons pères avaient remarqué la différence des couches de terrain Si des coquilles fossiles dont elles étaient remplîtes. En arrivant au couvent, nous fûmes charmés de voir les colonnes du cloître entourées de jasmins en fleur. Cette décoration élégante et parfumée, chez des capucins, nous surprit un peu. On éprouve une surprise agréable du même genre en lisant les Poètes Franciscains de M. Ozanam : on ne s’attendait pas à trouver chez des moines cette fleur et ce parfum de poésie ; mais il faut dire aussi que l’auteur a encadré avec beaucoup de goût et, je lui en demande bien pardon, beaucoup de savoir, les cantiques de ces moines dans un aperçu de l’art chrétien et de la poésie chrétienne en Italie au moyen âge. Il les suit l’un et l’autre depuis les peintures des catacombes et les deux cents vers latins qui accompagnent les mosaïques le Saint-Marc, où ils forment comme un poème mural à côté de la décoration monumentale de l’édifice, jusqu’aux œuvres fraternelles de Giotto et de Dante, sur son chemin, il rencontre les poésies de ses chers franciscains animées du souffle qui, après avoir inspiré les peintres ignorés des catacombes, les auteurs des vers un peu barbares du dôme de Saint-Marc, est venu se répandre dans les fresques d’Assise et les chants de la Divine Comédie.

Il n’y a pas lieu de s’étonner que la poésie ait visité l’humble cellule des franciscains : elle va partout où il y a de l’enthousiasme. Or l’enthousiasme religieux le plus vrai respire dans le Cantique du Soleil, quand saint François, emporté par une extase qui embrasse sympathiquement tous les êtres, un peu à la manière des poêles indiens, s’écrie :

« Loué soit Dieu, mon Seigneur, à cause de toutes les créatures et singulièrement pour notre frère messire le soleil qui nous donne le jour et la lumière.

« Loué soyez-vous, o mon Seigneur, pour notre sœur la lune et les étoiles ; vous les avez formées dans les deux claires et belles.

« Loué soyez-vous, ô mon Dieu, pour mon frère le vent, pour l’air et les nuages, et la sérénité et tous les temps, quels qu’ils soient.

« Loué soyez-vous, mon Seigneur, pour notre sieur l’eau, qui est très utile, humble et chaste.

« Loué soyez-vous, mon Seigneur, pour notre frère le feu ; par lui, vous illuminez la nuit : il est beau et agréable à voir, indomptable et fort. »