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LE GOUSLO


ET


LA POESIE POPULAIRE DES SLAVES.





Le poète Bohême Kolar a dit : « Ce que le rossignol est parmi les oiseaux, le Slave l’est parmi les nations. » En effet, c’est dans la chanson que le génie slave se montre le plus naïvement lui-même. La chanson est en quelque sorte la parole des Slaves. Entravés jusqu’à présent dans toutes les autres sphères d’activité intellectuelle, ils se sentent à l’aise dans la poésie. Aussi est-elle un besoin pour tous, et pour les gens du peuple beaucoup plus encore que pour les classes supérieures. Le paysan slave chante sans cesse ; dans la joie, dans la douleur, au village, aux champs, partout la poésie l’accompagne. « Là où est une femme slavonne, dit le célèbre Chafarjik, on entend chanter. Elle remplit la maison et les jardins, la montagne et les forêts, du bruit de ses mélodies. Voyez-la revenir des champs le soir, après avoir toute une journée enduré la soif et les ardeurs du soleil : accablée, elle éveille encore sous le crépuscule les échos des campagnes. »

Les Slaves ont toujours eu des poètes ; ils en avaient déjà avant de posséder des annales écrites. Hérodote nous montre les Dardaniens, autochthones de la Serbie actuelle, indifférens à tout, excepté à la poésie, et passant les journées à déclamer des chants nationaux dans leurs huttes recouvertes de fumier. Il est très vraisemblable que plus d’un refrain de ces chants d’avant Jésus-Christ est resté dans les piesnas ou rapsodies mythologiques qui se chantent encore à cette heure sur les Balkans. Dans le fameux poème de Zaboï-Slavoï, attribué aux païens tchekhs du IXe siècle, le héros raconte les souffrances du