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au-delà de la vérité ; il ne pourrait qu’en résulter de nouveaux périls, et la Belgique perdrait le bénéfice de cette position plus nette, indépendante, véritablement nationale, que les circonstance lui ont faite. Quoi qu’il en soit, le roi Léopold et le duc de Brabant sont maintenant rentrés à Bruxelles, où ils ont été reçus avec des acclamations nouvelles, et le mariage du jeune prince s’accomplira dans un délai peu éloigné sans doute. La Belgique y trouvera une nouvelle garantie de stabilité et de durée.

Hors d’Europe, il est au contraire un pays dont la situation critique empire sans cesse : c’est le Mexique. Entre toutes les crises des peuples, les crises qu’il traverse ont un caractère plus saisissant, plus redoutable peut-être, parce qu’on sent bien qu’il s’agit là de la vie d’une nation plus qu’à demi dissoute ; il s’agit de savoir si cette nation mexicaine, cernée, traquée, sans appui et sans soutien, se relèvera ou seulement continuera à subsister. De là cette situation violente, contrainte, perpétuellement anarchique du pays, de là ces incidens étranges qui font ressembler le Mexique à une proie et entretiennent l’anxiété. Un jour on se demande si M. de Raousset-Boulbon n’est pas sur le point de recommencer son aventureuse expédition de l’an passé dans la province de Sonora ; une autre fois, c’est le général Lane, gouverneur du Nouveau-Mexique pour l’Union américaine, qui, de sa propre autorité, prétend porter la frontière des États-Unis au-delà d’une vallée mexicaine. D’un autre côté, c’est l’aventurier Carvajal qui se rejette sur le Rio-Grande et rançonne la ville de Reynosa. Par-dessus tout, il y a une autre question. Sous la présidence du général Pierre, quelles vont être les relations des États-Unis et du Mexique ? Le dernier président, le général Arista, on s’en souvient, n’a pu tenir dans cette situation ; il s’est retiré avant l’expiration légale de son pouvoir. Aujourd’hui l’étoile du général Santa-Anna s’est levée de nouveau sur le Mexique. L’ancien dictateur a débarqué à Vera-Cruz, appelé par une élection presque unanime. Il s’est fait précéder de proclamations pompeuses et s’est rendu à Mexico, où il a fait une entrée triomphale. La veille, on avait fait revivre pour lui le titre de capitaine-général de l’armée, en y ajoutant un traitement de 11,000 piastres, environ 60,000 francs, ce qui est une mesure un peu singulière dans l’état financier du Mexique. Le bruit des fêtes et des ovations évanoui cependant, le plus difficile commence. Santa-Anna n’a point eu le temps d’agir encore ; il n’a fait qu’un décret sur la presse qui soumet les journaux à l’autorisation préalable du gouvernement ; mais quand les journaux seraient réduits au silence le plus absolu, les questions sous lesquelles plie le Mexique n’en existeraient pas moins. Sait-on un des recours extrêmes dont on a eu, à ce qu’il paraît, la pensée pour arrêter l’ambition yankee ? Ce serait d’invoquer pour le Mexique le protectorat de l’Espagne, son ancienne métropole. À Madrid même, la presse s’en est occupée d’une manière particulière. Le patriotisme espagnol est prompt à s’exalter sur ce point. L’Espagne pourtant a bien assez, ce nous semble, de Cuba. Nous ne savons trop quels avantages elle trouverait dans le protectorat de son ancienne colonie au milieu des circonstances actuelles : il est trop facile, d’un autre côté, d’en pressentir les périls, sans compter l’impossibilité même de réaliser un tel plan en face des États-Unis. Ce n’est là, au surplus sans doute, qu’un des symptômes de l’extrémité où est tombé le Mexique. Le général Santa-Anna aura assurément beaucoup à faire, nous ne disons pas pour en retirer son pays, mais