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marcher d’accord dans leur politique. C’est certainement en partie aux conseils et à l’appui de leurs représentons à Constantinople qu’est due la fermeté d’attitude du cabinet de la Porte. Récemment encore, dans une séance du parlement, le cabinet anglais renouvelait l’assurance de l’entente des deux gouvernemens sur la question orientale, et il confirmait ses déclarations en faveur de l’indépendance de l’empire ottoman. Seulement il pourrait bien y avoir quelque dépit chez nos voisins d’outre-Manche. On a cru au début, en Angleterre, qu’il ne s’agissait que de l’affaire des lieux saints, et on ne se faisait pas faute alors de laisser la France à son isolement. Voici cependant que la question se révèle dans ses véritables proportions, et le vieil instinct politique s’est réveillé non seulement dans le parlement, mais encore dans la presse, dans les journaux mêmes qui semblaient le mieux prendre leur parti, il y a quelque temps, du démembrement possible de la Turquie.

Quoi qu’il en soit, l’union actuelle de la France et de l’Angleterre est une première garantie de la paix. Parmi tous les gouvernemens de l’Europe, il en est un peut-être dont l’influence est de nature à avoir un grand poids selon l’altitude qu’il prendra : c’est celui de l’Autriche. Nous de méconnaissons pas les raisons multipliées d’alliance intime qui existent entre la politique autrichienne et la politique, russe. Bien des motifs cependant semblent dicter aujourd’hui à l’Autriche un système de conduite intelligent et modéré. N’a-t-elle point en définitive, elle aussi, le danger de la protection russe, dont elle porte encore la marque ? N’a-t-elle point la Hongrie ? n’a-t-elle point l’Italie ? De telle sorte que plus qu’aucun autre pays elle aurait intérêt à accepter ou à partager ce rôle d’une médiatrice efficace. Faut-il croire que les efforts réunis de la France, de l’Angleterre, de l’Autriche, si elle vient se joindre à ce concert sur cette question spéciale, resteront infructueux ? L’empereur Nicolas, dans ces dernières années, a donné des gages assez nombreux de son intelligence politique, de sa modération et de sa prudence pour que les considérations de la paix générale ne soient pas sans influence sur son esprit. Il y a enfin une raison suprême dont tous les gouvernemens sont en mesure de sentir la valeur après les catastrophes qu’ils ont essuyées : c’est que la guerre sonnerait infailliblement l’heure fatale du réveil de la révolution. Or il n’y aurait pas de plus triste spectacle que celui de grands gouvernemens donnant, pour la satisfaction de velléités ambitieuses, l’exemple de la violation du droit à l’égard d’un pays, et risquant de ramener la révolution en Europe. Voilà pourquoi nous osons croire au maintien de la paix, sans pouvoir pressentir la solution des complications qui ont pris tout à coup dans ces derniers temps un aspect menaçant.

Tandis que ces questions, d’un ordre général en Europe, s’agitent dans les sphères les plus hautes de la diplomatie et de la politique, réagissent nécessairement sur la situation de tous les pays, tout sentir leur poids dans toutes les fluctuations du crédit, exagérées, défigurées souvent par les crédulités de Bourse, — le corps législatif, où elles ne retentissent plus, où elles ne peuvent plus retentir qu’en échos affaiblis et rapides, vient d’arriver au bout de la session de l’année après quelques jours de prorogation. Autant la conduite du corps législatif a été modeste, presque inoccupée dans sa première partie, autant elle a été active, animée, remplie, utilement remplie dans ces derniers temps par de longues et sérieuses discussions dont