Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 2.djvu/1028

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

M. Maury, qu’il appelle Cartes des vents et courans, sont certainement un des plus beaux et des plus utiles résultats de la science nautique.

Convaincu que la routine faisait encore suivre aux navigateurs des routes qui n’étaient pas les meilleures, M. Maury demanda en 1842 aux capitaines de bâtimens américains de consigner sur leurs livres de route toutes les circonstances qui pouvaient influer sur la navigation, et de lui adresser le résultat de leurs observations. D’abord on se pressa peu de répondre à son appel ; mais de premières comparaisons entre quelques vieux livres de route conservés au dépôt de la marine ayant permis à M. Maury d’abréger de vingt-sept jours le voyage de Baltimore à Rio-Janeiro, les renseignemens affluèrent, et il y a maintenant mille bâtimens sur lesquels jour et nuit on fait volontairement les observations qu’il a demandées. M. Maury est parvenu aussi à réduire le temps moyen du voyage de Californie de cent quatre-vingt-sept jours à cent quatorze, c’est-à-dire à l’abréger de près d’un tiers.

Outre cette application pratique, les études de M. Maury l’ont conduit à des considérations élevées et neuves sur les causes des vents et des pluies, sur la nature des courans, sur les régions habitées par les différentes espèces de baleines. Ainsi il a reconnu que les moussons du sud-est soufflent avec plus de force que ceux de l’hémisphère septentrional, et il attribue cette différence à l’influence des grands déserts de l’Afrique, qui retardent ces vents en enlevant de grandes masses d’atmosphère pour remplir le vide produit par l’ardeur de leur soleil. Selon lui, ces plaines brûlantes agissent comme une fournaise en aspirant les vents de la mer pour remplacer l’air qui s’élève en colonne au-dessus d’un sol trop échauffé, « de sorte, ajoute M. Maury, développant les résultats généraux de cette influence de l’Afrique et de l’Amérique méridionale sur les vents, que si le pied de l’homme n’avait pas pénétré dans ces deux continens, on pourrait cependant affirmer que le climat de l’un est humide, que ses vallées sont en grande partie couvertes d’une végétation abondante qui protège sa surface contre les rayons du soleil, tandis que les plaines de l’autre sont arides et nues.

« Ces recherches semblent déjà suffire pour justifier l’assertion que, sans le grand désert de Sahara et les autres plaines arides de l’Afrique, les côtes occidentales de notre continent dans la région des moussons seraient en tout ou en partie un district privé de pluie, stérile et inhabité. De telles considérations captivent vivement l’esprit ; elles nous apprennent à regarder les grands déserts, les bassins méditerranéens, les plaines arides, comme des compensations dans le grand système de la circulation atmosphérique : -pareilles,