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qu’il y avait encore à ce sujet beaucoup de confusion et d’incertitude.

Il serait trop long de rapporter tous les détails que contient la correspondance de Tallard sur les difficultés du gouvernement de Guillaume III, sur les embarras financiers où le plaçait sans cesse la mauvaise volonté du parlement, sur les accusations diverses, multipliées, dont sa politique était l’objet. La nation tout entière lui reprochait sa prédilection exclusive pour les Hollandais. Les grands seigneurs se plaignaient de n’avoir plus de part aux affaires importantes, que les favoris étrangers étaient seuls admis à traiter confidentiellement avec lui. La chambre des lords, s’indignant de la prépondérance que la révolution avait donnée à la chambre des communes, imputait à la volonté du roi ce qui n’était que le résultat de la force des choses. Toutes ces accusations se conçoivent ; bien qu’injustes ou exagérées, elles avaient quelque apparence de fondement. Ce qui se comprend plus malaisément, c’est qu’un prince dont la faible santé s’est usée prématurément dans les travaux du gouvernement civil et dans les fatigues de la guerre, un prince qui n’a jamais eu d’autres préoccupations véritables que celles du pouvoir, put être présenté par la malveillance sous les traits, tantôt d’un vil débauché, tantôt d’un homme paresseux et frivole consacrant des journées entières aux plaisirs de la table. L’esprit de parti, fidèle aux habitudes des temps révolutionnaires, mettait tout en œuvre pour le discréditer.

Quelle que fût sa patience, à quelque point qu’il fût doué du flegme proverbial de ses compatriotes, il n’était pas possible que Guillaume restât insensible à tant de provocations. Le ressentiment qu’il en éprouvait lui rendit bientôt insupportable le séjour de l’Angleterre. Lorsqu’il pouvait la quitter pour aller passer quelque temps en Hollande, dans ce pays où il se sentait, aimé, où il était sûr d’être apprécié, où il pouvait compter sur un concours sincère et affectueux, on eût cru voir un prisonnier qui recouvre sa liberté. « Sa contenance, écrit l’ambassadeur de France au moment de son départ pour un de ces voyages, sa contenance exprimait toute sa joie ; il n’a pris aucune précaution pour la cacher aux Anglais, et ils en parlent très ouvertement. » Dans une autre occasion où Guillaume avait plus que jamais lieu de se plaindre des procédés du parlement, il écrivait au grand-pensionnaire ces lignes significatives : « Enfin cette triste session est terminée, et je me propose, s’il plaît à Dieu, de quitter l’Angleterre au commencement du mois prochain. Dieu sait combien j’y aspire ! Je n’en ai encore parlé à personne, mais tout le monde en parle. »

La correspondance de Guillaume III avec lord Portland et surtout