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pensive devant cette révélation soudaine, c’est la vérité, Zéphyr…

— Zéphyr est amoureux de toi, continua Cécile en serrant le bras de son amie.

— Quelle folie ! balbutia-t-elle pour dire quelque chose.

— Mais, ajouta la jeune femme, c’est à cause de cela qu’il voulait mourir sans doute, et c’est avant d’accomplir son projet qu’il écrivait ton nom sur le sable à côté du sien, au bord de cette rivière où il aurait pu rester sans le dévouement de M. Lazare, qui a couru à son secours. Et cela ne te touche pas un peu ?

— Ah ! dit Adeline naïvement, quand j’ai vu M. Lazare tomber au milieu de ces herbes dangereuses, cela m’a fait un bruit autour de la tête, comme si je m’étais noyée moi-même. Aussi, quand je l’ai vu reparaître, je lui ai été bien reconnaissante…

— De ce qu’il n'était pas mort en sauvant Zéphyr, lui glissa Cécile à l’oreille.

— Mademoiselle Adeline, interrompit l’artiste, vous savez le secret de cet enfant, mais feignez de l’ignorer et n’en parlez pas à votre père. J’ai quelque influence sur votre apprenti, j’essaierai de le guérir ; d’ailleurs, il va me suivre à Paris, et quand il ne vous verra plus auprès de lui tous les jours, il reviendra à des sentimens plus raisonnables : l’absence est un bon remède.

Alors intervint Cécile, qui se plut à taquiner un peu son amie, en même temps qu’elle voulait aussi pénétrer dans la pensée du jeune homme. — Qui sait, dit-elle, si Adeline souhaite être oubliée ? Zéphyr est bien jeune, mais il cessera de l’être ; il possède déjà un talent qui pourra grandir également. Le soin de son avenir va vous être confié, monsieur Lazare. Si Adeline, qui se tait parce qu’elle n’ose pas parler peut-être, vous disait : « Au lieu de me faire oublier, faites au contraire qu’il pense a moi ; entretenez dans le cœur de Zéphyr cet amour dont il m’a déjà donné une si grande preuve ; faites qu’il devienne le mobile de son ambition, et, quand il sera un homme, qu’il vienne me demander à mon père… »

— Si Mlle Adeline veut endosser les paroles que vous venez de dire, j’aurai le plus grand plaisir à m’y conformer, répondit Lazare en riant, d’autant plus que j’avais la même intention, et qu’en découvrant ce matin le talent de ce garçon, en même temps que je découvrais son amour, — car c’est une vraie passion qu’il éprouve, — je m’étais intéressé doublement à lui, et je m’étais proposé de le servir dans ses deux ambitions. Mignonne Adeline, consultez votre petit cœur : vous êtes une adorable enfant, toute remplie d’excellentes qualités ; personne ne vous aimera mieux que ce pauvre être pour qui vous avez été une révélation de la bonté humaine, pour qui vous avez été une raison de vivre et une raison de mourir. Voulez-vous