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Il ne reste plus aujourd’hui des anciennes forêts que quelques vestiges tous les jours menacés de destruction.

Le véritable domaine agricole se compose donc, d’une part de 19 millions d’hectares, et de l’autre de 34. Nous trouvons à première vue que, sur les 19 millions d’hectares anglais, 15 sont consacrés à la nourriture des animaux, et 4 tout au plus à la nourriture de l’homme ; en France, le nombre des hectares consacrés aux cultures améliorantes est de 9 millions, tandis que les cultures épuisantes en couvrent le double ; le domaine des jachères est encore énorme, et dans leur état actuel elles ne peuvent être que d’une faible ressource pour renouveler la fertilité de la terre. L’examen des détails ne fera que confirmer ce que fait pressentir ce premier aperçu.

D’abord s’offrent les prairies naturelles, représentées chez nous par 4 millions d’hectares et dans les îles britanniques par 8. Ici moins du huitième, là presque la moitié du sol cultivé ; il est vrai que, dans les prés anglais, figurent ceux qui ne sont que pâturés, mais ces pâturages valent pour le produit nos prairies fauchées.

C’est à coup sûr une des plus frappantes originalités de la culture britannique, du moins jusqu’ici, que cette extension du pâturage. On fait peu de foin en Angleterre, la nourriture d’hiver des animaux est surtout demandée aux prairies artificielles, aux racines, et même aux céréales. Depuis quelque temps, des systèmes nouveaux dont je parlerai ailleurs tendent à substituer la stabulation, même en été, à l’antique tradition nationale ; mais ces tentatives ne sont encore et n’étaient surtout il y a cinq ans que des exceptions. L’usage à peu près universel est au contraire de n’enfermer le bétail que le moins possible. Les trois quarts des prés anglais sont pâturés, et comme la moitié des prairies artificielles le sont aussi, surtout dans la seconde année, comme les turneps eux-mêmes sont en grande partie consommés sur place par les moutons, comme enfin les terres incultes ne peuvent être utilisées que par le parcours, les deux tiers du sol total sont livrés au bétail. C’est ce qui fait le charme particulier des campagnes britanniques. Hors de la Normandie et de quelques autres provinces où le même usage s’est conservé, notre territoire présente rarement le spectacle riant qu’offre partout l’Angleterre avec ses vertes pelouses peuplées d’animaux en liberté.

L’attrait de ce paysage s’accroît par l’effet pittoresque des haies vives, souvent plantées d’arbres, qui entourent chaque champ. L’existence de ces haies est aujourd’hui fort attaquée, mais jusqu’ici elles ont été considérées comme un accessoire obligé du système général de culture. Chaque pièce de terre étant pâturée à son tour, il est commode de pouvoir y parquer en quelque sorte les animaux et les y laisser sans gardien. Avec nos habitudes nationales, il nous paraît étrange de voir des bestiaux, surtout des moutons, complètement