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incontestable un revirement dans les opinions du Post. Ce journal est demeuré tory en politique et protectioniste en économie; mais il a pris assidûment et avec éclat la défense de lord Palmerston et de toute sa politique extérieure, et il est aujourd’hui considéré comme l’organe de cet homme d’état éminent.

Le Herald a été whig à ses débuts : patroné par le prince de Galles, depuis prince-régent, et ensuite roi sous le nom de George IV, il a suivi ce prince dans toutes ses variations, et il a fini par être conservateur quand son protecteur porta la couronne. Le Herald est demeuré fidèle jusqu’au bout à sir Robert Peel, et lorsque cet homme d’état eut rompu avec son propre parti, le Herald se trouva pendant quelques mois le seul journal du matin qui soutînt le gouvernement. Le Standard, journal du soir, qui appartient, comme le Herald, à M. Balduin, suivait naturellement la même ligne : aussi la presse opposante ne manquait pas de comparer ses deux adversaires à Castor et Pollux, et ne tarissait pas en plaisanteries sur les jumeaux ministériels. A l’avènement des whigs, en 1846, le Herald se rangea de nouveau sous la bannière conservatrice et protectioniste; il a soutenu avec habileté et persévérance lord Derby et M. Disraeli dans leurs campagnes contre lord John Russell, et il était l’organe avoué du ministère qui vient de tomber.

Le Chronicle a été pendant cinquante ans l’organe des whigs, et il a dû à ses relations avec ce parti une longue prospérité. La popularité de ce journal subit une éclipse momentanée vers 1822, à l’époque du procès de la reine Caroline, parce que Perry montra quelque hésitation à prendre parti, et tarda trop à se prononcer pour la reine, en faveur de qui l’opinion des masses s’était déclarée avec éclat. Le Chronicle arriva à son apogée vers 1834, après la conquête de l’émancipation des catholiques et de la réforme électorale, lorsque le Times abandonna quelques mois le parti libéral pour le premier et éphémère cabinet de sir Robert Peel. Beaucoup de lecteurs du Times passèrent alors au Chronicle, qui vit s’accroître considérablement sa clientèle. Cette grande prospérité fut de courte durée, et le Chronicle déclina peu à peu avec le parti whig, malgré d’énergiques efforts pour ressaisir la prééminence. En 1847, les propriétaire, alarmés d’une baisse graduelle et constante dans la vente du journal, baisse qui était déjà d’un tiers sur la moyenne des quatre ou cinq années précédentes, firent une tentative qu’ils croyaient décisive : ils abaissèrent le prix du Chronicle de 50 à 40 centimes le numéro. Cet essai n’eut point de succès : il diminua le produit du journal sans ramener les lecteurs. Un changement eut lieu alors dans la propriété. Les anciens collègues de sir Robert Peel, tombé du ministère en 1846, n’avaient pas renoncé, comme leur chef, à tout avenir politique. Cette brillante phalange d’hommes de talent pouvait alors faire pencher la balance du pouvoir par les voix dont elle disposait encore dans une chambre des communes très-divisée : l’éloquence, le savoir, l’expérience des affaires, lui donnaient droit de demander que l’on comptât avec elle. Elle n’avait pas d’organe dans la presse : le Chronicle fut acquis et fut placé sous l’influence spéciale de M. Gladstone et de M. Sidney Herbert. Il revint à son ancien prix. Depuis 1849, le Chronicle, de défenseur des whigs, est devenu insensiblement, comme les hommes qu’il représente aujourd’hui, l’adversaire le plus vif de ce parti. Il a fait une guerre acharnée à lord John Russell, et dans cette session même, tout en combattant avec