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moins onéreux. L’augmentation des dépenses date de la lutte engagée vers 1826 par le Herald contre le Times. M. Thwaites, devenu copropriétaire et gérant du Herald, voulait demeurer seul maître du journal : pour contraindre son associé à lui vendre sa part, il absorba pendant plusieurs années tous les bénéfices en dépenses d’amélioration. C’est lui qui imagina d’établir des correspondans à poste fixe dans les grandes villes d’Europe. Il envoya un de ses rédacteurs en Espagne pour y suivre jour par jour la lutte engagée par les certes contre le pouvoir royal et les mouvemens de l’armée française. Quand le roi George IV fit un voyage en Hanovre, le Herald expédia encore un de ses rédacteurs à la suite du monarque, pour rendre un compte quotidien du voyage royal. Il n’est point de journal anglais qui n’en fasse autant aujourd’hui en pareille circonstance; mais c’étaient alors des innovations, et tous les journaux durent suivre le Herald et le Times dans cette voie dispendieuse.


II.

Les journaux quotidiens du matin sont aujourd’hui au nombre de sept en Angleterre. Tous se publient à Londres : ce sont le Public Ledger, l’Advertiser, le Daily News, le Post, le Herald, le Chronicle et le Times. Le Ledger est un petit journal qui a conservé le format d’autrefois, et qui subsiste depuis quatre-vingts ans du produit de ses annonces. Quelques tentatives ont été faites pour l’agrandir et le transformer en un journal complet, sur le modèle des autres feuilles du matin; elles ont échoué, et après chaque essai le Ledger est revenu à son mode habituel de publication, qui assure à ses propriétaires un revenu fixe et assez brillant. Telle est la puissance d’une clientèle solide, qu’il ne serait au pouvoir d’aucun des grands journaux de Londres de faire concurrence à cette feuille en apparence insignifiante, dont la rédaction politique est à peu près nulle, et qui ne tente aucun effort pour se procurer cette riche variété de renseignemens qui fait le mérite des autres journaux du matin. Mais depuis quatre-vingts ans les armateurs, les commissionnaires en marchandises, les négocians à l’importation sont habitués à trouver dans le Public Ledger les nouvelles de mer, la liste des arrivages, les annonces des cargaisons et des parties de marchandise à vendre, et ils sont tous obligés de recevoir ce journal; précisément aussi parce qu’ils le reçoivent tous, tous les gens qui ont un navire ou des marchandises à vendre sont obligés de mettre leurs annonces dans le Ledger. Voilà pourquoi une spécialité reconnue et consacrée par de longues années assure à une feuille des plus médiocres une vente quotidienne qui suffit à ses frais, et des annonces qui lui donnent un assez beau revenu.

Nous avons dit comment l’Advertiser fut fondé en 1793 avec le concours des restaurateurs et des taverniers de Londres. Ce journal s’est maintenu depuis sans s’élever jamais à une prospérité bien haute, mais aussi sans voir décroître sa clientèle en quelque sorte forcée. En politique, il soutient les opinions du parti radical, et, sans aller jusqu’au chartisme, il fait une rude guerre à l’aristocratie anglaise et à l’église anglicane. Depuis que M. Cobden et M. Bright n’ont pas dédaigné, dans un meeting, de réclamer publiquement l’appui de leurs auditeurs pour le Daily News, ce journal, qui est de beaucoup le plus jeune des grands journaux anglais, doit être considéré comme