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in très libros Aristotelis de Anima prœclarissima expositio ; il y retrouvera développée, élucidée, interprétée cette doctrine, que l’âme est la forma ou species, non pas forme accidentelle, mais substantielle, l’acte premier, la perfection, l’achèvement du corps organique, tous ces mots n’exprimant, selon Aristote et Thomas, que des points de vue de la même idée. Nous ne sommes pas grand admirateur de cette définition ; mais, pour l’honneur d’Aristote et de saint Thomas, nous devons faire remarquer qu’ils la rendent plus exacte que ne l’a fait le père Ventura. Si l’âme n’était que la forme substantielle du corps, tout corps, même inorganique et inanimé, ayant en scolastique une forme substantielle, sous peine de ne pas exister, tout corps aurait une âme ; mais Aristote et saint Thomas insèrent presque toujours dans la définition ces mots : corps naturel, organique ; et comme le corps organique peut être sans vie, ils ajoutent : corps organique ayant la vie en jouissance. En effet, l’âme n’est la forme substantielle du corps qu’autant que le corps est vivant. La définition signifie que l’âme est le principe qui fait passer le corps de la vie en puissance à la vie en acte. Aussi est-ce la définition de l’âme comme principe d’animation, la définition de l’anima dans l’animal, et Aristote et saint Thomas sont obligés de montrer subséquemment que l’âme intellective dans l’homme est, avec de grandes perfections de plus, semblable au principe de vie de tout être animé.

Mais nous ne sommes point ici pour discuter la scolastique. Bonne ou mauvaise, le père Ventura est fort en droit d’adopter une définition de l’âme qui a contenté saint Thomas, pourvu qu’il veuille bien ne pas omettre désormais de dire que saint Thomas avait emprunté presque toute sa psychologie d’Aristote, et qu’en cette matière comme en toute autre il ne s’écarte des leçons de celui qu’il appelle par excellence le philosophe que lorsqu’il est décidément impossible de les accorder avec les dogmes de la foi. Avant d’accuser les philosophes de crétinisme orgueilleux, il ne serait pourtant pas inutile de se rappeler ces choses-là.

Nous y insistons parce que le père Ventura a fait de la définition de l’âme un point capital de son enseignement. S’il en concluait seulement que l’âme est unie au corps, et que cette union constitue un tout dans lequel, en cette vie du moins, l’une ne peut se passer de l’autre, il dirait une chose fort raisonnable, vulgaire pour quiconque ne croit pas à l’homme matière, et que, suivant saint Augustin, Varron, grand collecteur de systèmes, avait conclue de l’analyse des diverses opinions des philosophes ; mais cela ne suffit pas au père Ventura : il veut que cette union soit substantielle, c’est-à-dire qu’il en résulte unité de substance. Par là, dit-il, toutes les questions qui ont embarrassé et égaré les savans s’évanouissent comme des