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dans cette imposante église de Saint-Sernin de Toulouse, où reposent les froides reliques de l’ange de l’école. M. l’abbé Carle a publié sur la vie et les écrits de saint Thomas un ouvrage d’un luxe monumental, qu’on lit avec beaucoup d’intérêt. Un jeune métaphysicien protestant, trop tôt enlevé à la science, M. Léon Montet, a publié deux très bons mémoires sur la philosophie du même maître. Enfin un écrivain qu’il faut toujours citer quand on parle de scolastique, M. Hauréau, qui est lui-même un peu thomiste, a consacré dans son ouvrage deux chapitres d’un grand prix à la doctrine de saint Thomas d’Aquin. Voici maintenant le père Ventura qui vient l’enseigner dans la chaire chrétienne. Comme lui, l’illustre descendant des comtes d’Aquino avait quitté l’Italie pour venir enseigner à Paris, et on a entendu dans l’église de l’Assomption quelques-unes des théories que Thomas, en 1253, développait sur la montagne Sainte-Geneviève. Ce que le père Ventura a exposé en présence d’un auditoire un peu mondain, n’aurons-nous pas licence d’en dire ici quelques mots ? Ce n’est pas moins que la réponse à cette question : « Qu’est-ce que l’homme ? » car le docte prédicateur la pose, cette question, sans faire réflexion que la poser ainsi, quœrere, et entreprendre de la résoudre, comme on va le voir, par le raisonnement, c’est chercher la vérité, et faire, j’en suis bien fâché, de la philosophie inquisitive.

Voyons laquelle. M. de Bonald a défini l’homme - une intelligence servie par des organes : — définition radicalement fausse, définition cartésienne, qui ne tient aucun compte de ce que pense le genre humain, savoir que l’homme est un tout substantiel, composé de l’âme et du corps. L’âme est unie au corps ; ce n’est pas union accidentelle, c’est unité substantielle : vérité qui nous est donnée par la définition même de l’âme ; « l’âme intellective est la forme substantielle du corps humain. » C’est la définition de saint Thomas, c’est ce principe profond et important que le concile de Vienne, en 1311, a décrété et prescrit sous peine d’hérésie. Il n’en faut pas vouloir aux anciens philosophes, ajoute avec beaucoup de charité notre vénérable auteur, de n’avoir pas su cette grande vérité : pour connaître ainsi l’homme, il fallait connaître Jésus-Christ.

Voilà qui étonnera tout lecteur ayant la moindre teinture des choses philosophiques. Il se demandera sur quels témoignages ou par quelle inadvertance un savant théologien a pu écrire des choses aussi surprenantes, et qu’un étudiant n’aurait pas écrites. C’est qu’un étudiant n’aurait pas eu un système à justifier et le besoin de chercher contre la philosophie des griefs à tout prix, même au prix de la vérité des faits.

D’abord la définition de M. de Bonald n’est pas cartésienne. Elle