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Le docteur angélique, nous le croyons du moins, distinguait profondément la révélation de tout ce qui alors n’en portait pas le nom. Il appelait révélation la parole de Dieu, soit qu’elle eût été miraculeusement entendue, soit qu’elle eût été miraculeusement inspirée, telle qu’elle est consignée dans les livres saints. Il n’appelait pas révélation ces enseignemens, ces instructions, originairement divines pourtant, mais naturelles, que Dieu donne par ses œuvres générales ; mais s’il en eût nié l’existence, saint Paul lui aurait rappelé que tous les hommes ont connu ce qui se peut découvrir de Dieu, que ses perfections invisibles, sa puissance éternelle, sa divinité même, ont été manifestées depuis la création du monde par la connaissance que ses créatures nous en donnent, et qu’il y a là un enseignement pour tous, dont tous doivent profiter, puisqu’ils le peuvent, et sont responsables de méconnaître le sens et l’autorité. Quoi que l’on pense sur l’origine des connaissances humaines, ou plutôt de la connaissance parmi les hommes, il y a deux sources différentes d’instruction sur les choses divines, l’une la révélation spéciale, surnaturelle, plus ou moins directe, qui est la force et la joie du chrétien ; l’autre, la révélation générale, naturelle, souvent indirecte, mais non moins divine, et qui est indistinctement départie à tous les hommes. Cette duplicité de connaissances, lors même qu’on la ramènerait à une première origine commune, est, depuis les temps historiques, un fait établi, avoué, que les pères de l’église, que les écoles théologiques ont admis, et dont on s’est même prévalu, non sans fondement, pour marquer une différence importante entre la science sacrée et la science humaine. On a pu, dans des intentions fort diverses, noter entre elles deux des ressemblances, des points communs, des vérités concordantes, dire tantôt, comme les premiers pères, que la philosophie avait préparé les voies à la religion, tantôt, comme d’autres docteurs, que quelques vérités révélées avaient transpiré jusque dans la philosophie et en composaient le meilleur et le plus solide ; mais ce n’est que dans ces derniers temps qu’on a poussé plus loin, qu’on a fait d’une certaine communauté d’idées un fonds identique, et que l’on a voulu ramener les deux sciences à l’unité, soit en absorbant l’une dans l’autre, soit en annulant l’une au profit de l’autre.

Singulière fortune des raisonnemens humains ! Nos pères ont vu, et nous avons vu nous-mêmes, le temps où l’on ne poursuivait la démonstration de cette identité que dans un dessein hostile au christianisme. Pendant le XVIIIe siècle, on s’attachait, avec l’ardeur de cette époque passionnée, à retrouver, dans ce qu’on appelait la religion naturelle et la loi naturelle, les principes les plus élevés, les maximes les plus salutaires que le christianisme ait répandus parmi