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sujet ? L’observation ou l’expérience, qui n’était que le moyen de connaître les choses corporelles, du temps que l’on consultait l’autorité sur les choses divines, sur les choses humaines le sens commun, est devenue la méthode universelle des sciences ramenées toutes au même niveau. L’égalité a confondu les sciences comme elle a bouleversé la société. Quant à l’objet de la méthode, ce n’est plus l’explication démonstrative de la vérité connue, c’est la recherche ou la découverte de la vérité : définition qui suppose qu’il n’y a que des vérités naturelles ou qu’aucune vérité n’est révélée, et l’une et l’autre supposition nient le christianisme. Quel est le fondement de la certitude ? Autre question qui importe beaucoup à la méthode philosophique. Tandis que Platon, qui semble à quelques-uns toucher aux vérités chrétiennes, cherchait la certitude dans la raison individuelle, Aristote, qui la plaçait dans le sens commun, était en cela plus près que Platon du christianisme, dont ses doctrines s’éloignaient davantage. La foi dans le sens privé est le dogme commun à Luther et à Descartes ; elle domine dans la philosophie moderne, tandis que la science orthodoxe s’appuie sur le sens commun ou sur le témoignage universel, c’est-à-dire sur l’autorité ou l’infaillibilité de l’église. Enfin le quatrième point à considérer dans une philosophie, c’est son principe. Suivant le père Ventura, le principe de la philosophie moderne peut s’exprimer ainsi : « Dans aucun composé substantiel ou accidentel ne se rencontre l’unité ; » ce qui est contraire à cet autre principe, le fondement, suivant l’auteur, de toute philosophie orthodoxe : « Là où soit deux, soit plusieurs principes s’unissent (coalescunt) substantiellement, il y a unité réelle. » L’intelligence, par exemple, est une simple puissance tant que la vérité ne l’illumine pas. Ce n’est que de la vérité unie à l’intelligence, comme la forme à la matière, que résulte l’unité de la raison humaine, tandis que les philosophes présupposent la raison à la vérité ; de même ils regardent l’âme seule comme l’unité dans l’homme, tandis que celle-ci résulte de l’union substantielle du corps et de l’âme. Ainsi encore, dans l’ordre social, l’unité du pouvoir résulte de l’union du sujet et du ministre, et, dans l’ordre politique, l’unité consiste dans l’union substantielle de l’église et de l’état.

Telles sont, suivant le père Ventura, sur le sujet, l’objet, le fondement et le principe de la méthode philosophique, les différences capitales de la doctrine vraie à la doctrine fausse, ou, ce qui est la même chose, de la philosophie scolastique à la philosophie du siècle. Il n’est nullement difficile, et l’on voit d’avance par quelles analogies, de rattacher ces idées générales à quelques-uns des dogmes de la religion, et l’unité de la science et de la foi est ainsi constituée. L’omission ou la violation de quelqu’une de ces conditions de la