Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 1.djvu/799

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

exposés financiers, on se félicite également de voir la fortune publique remonter aujourd’hui au niveau de 1847, et en effet cela suppose un grand et vigoureux effort ; il y a bien de quoi s’arrêter un moment à constater le point où on se trouve ramené, comme lorsqu’on a parcouru une route longue et scabreuse. Mais tout ce qui a été perdu dans l’intervalle, mais les déficits qui restent comme un poids sur le pays, mais toutes les forces employées pendant quatre années à lutter contre la ruine, au lieu de se tourner vers les entreprises fécondes ! Le seul progrès que permettent les révolutions consiste-t-il donc à revenir au point où on se trouvait avant qu’elles éclatassent ? Encore n’y revient-on que meurtri, avec bien des plaies à guérir et dans des conditions totalement transformées. Dans cette situation nouvelle, plus le gouvernement est investi d’une immense autorité, plus il lui est utile de s’entourer de toutes les lumières dont le concours peut rendre son initiative intelligente et efficace. N’est-ce point là la pensée qui a présidé à la création d’un conseil supérieur de l’agriculture, de l’industrie et du commerce ? Le rapport de M. Troplong sur le sénatus-consulte qui rétablissait l’empire laissait pressentir cette création, aujourd’hui réalisée. Le nouveau conseil est nommé par le gouvernement, il ne saurait donc entraver son action. Les avis ne sont pas obligatoires, mais ils doivent nécessairement avoir un grand poids. C’est un organe attitré des besoins et des intérêts, un intermédiaire utile dont l’influence toute pratique peut contribuer à faire marcher d’accord le gouvernement et l’opinion publique vers la solution des grands problèmes de l’industrie et du commerce.

Cet accord de l’opinion publique et du gouvernement sur quelques-uns des points qui touchent le plus essentiellement à la grandeur du pays n’est-il point la première garantie d’une impulsion juste et féconde ? N’est-il point la condition la plus nécessaire et la plus favorable ? La France aujourd’hui, après avoir épuisé toutes les fortunes politiques, est en train d’aimer le repos et de chercher partout des alimens à son ardeur de conquêtes matérielles et pacifiques. L’Algérie lui en offre un naturellement. Lorsque l’empereur, dans son discours de Bordeaux, disait qu’il y avait pour la France, de l’autre côté de la Méditerranée, un royaume à fonder, il indiquait une de ces œuvres où cet accord dont nous parlions entre l’opinion publique et le gouvernement est le plus nécessaire : il montrait un champ nouveau d’activité. Ce n’est pas qu’il n’ait été fait beaucoup jusqu’ici en Afrique. La guerre d’abord a été faite résolument, victorieusement, de manière à ne laisser aucun doute sur les chances de notre domination. Il peut y avoir encore des soulèvemens partiels en Afrique, les grandes résistances sont vaincues, les grands obstacles sont brisés. L’Algérie tout entière est au pouvoir de nos armes, et la récente prise de Laghouat n’a fait qu’ajouter une garantie de plus à notre prépondérance. Maintenant, sous la protection de l’épée de nos soldats, la place reste libre à l’organisation, au travail, à la colonisation, à l’assimilation complète de ce vaste territoire. Il a été question dans ces derniers temps, assure-t-on, d’un sénatus-consulte destiné à régler la constitution de l’Algérie, et à cette question s’en joignait une autre, celle de savoir en quelles mains reposerait le gouvernement supérieur de la colonie. On n’en est point à savoir que le nom d’un prince de la famille impériale a été prononcé. Les futurs ministres de la