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des vivres s’y faisait mal. Au sein du pays le mieux approvisionné de la terre, le soldat y souffrait de la faim, et souvent des retards apportés dans sa nourriture entravèrent l’exécution des manœuvres. Le roi, jaloux de se concilier la tendresse des Italiens, évitait partout de mettre le pays en frais : généreux mouvement qui du reste manqua son but, ce qui arrive aux meilleures choses de ce monde. En effet, le soldat qu’on nourrit mal devient pillard, et plus d’un exemple, à ce qu’on assure, vint pendant la campagne corroborer cet axiome du troupier. L’armée entière était partagée en deux corps, lesquels se disloquaient chacun en deux divisions ; à la tête du premier corps était le lieutenant-général Bava, à la tête du second le lieutenant-général Sonnaz. Le duc de Savoie, prince royal, avait sous ses ordres une division de réserve, et le roi dirigeait en personne le commandement supérieur.

C’était un prince militaire que Charles-Albert, militaire en ce sens qu’il se plaisait aux batailles, et n’eût point volontiers laissé se perdre l’occasion de mettre en avant cette bravoure qu’il tenait de sa race ; mais de cet instinct belliqueux, de cette fougue magnanime qu’on aime dans les princes, aux qualités supérieures d’un général d’armée, il y a loin. Et ces grandes qualités, il est permis aujourd’hui de le dire, Charles-Albert ne les posséda jamais. L’insurrection militaire de 1821, pour la première fois, nous le montre sur la scène politique. On sait comment, après avoir encouragé le mouvement, après avoir souffert qu’on l’en déclarât le chef, au moment du danger le prince de Carignan rompit tout à coup en visière à son monde, et, prenant sa course vers Florence, laissa la conspiration se débrouiller à sa guise. Cette fâcheuse aventure, tout en ruinant Charles-Albert dans l’esprit des révolutionnaires, n’était point faite pour lui valoir la sympathie des cabinets. Aussi le voit-on, à dater de cette époque, s’évertuer à détruire cette mauvaise impression donnée à l’Europe. Engagé comme volontaire sous les drapeaux de la France, il prend part, en 1823, à l’expédition du duc d’Angoulême en Espagne, et reçoit de son régiment, pour récompense de sa vaillante conduite au siège du Trocadéro, les épaulettes de laine de grenadier. L’Autriche en même temps le décorait de son ordre de Marie-Thérèse.

Devenu roi de Sardaigne à l’extinction de la ligne directe, Charles-Albert ne s’attacha que davantage à faire oublier les entreprises du prince de Carignan. Au lendemain des journées de juillet, ce fut lui qui fournit à Mme la duchesse de Berry les moyens de débarquer sur la côte. On se souvient du nom que portait le bâtiment monté par la princesse. Le gouvernement français avait alors un ambassadeur à Turin ; sut-il le chaleureux concours que prêta Charles-Albert à cette expédition, dans laquelle il était de tous ses vœux, de toutes ses sympathies, de toutes ses forces ? « Je le vois encore, nous disait un soir