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avec raison cette parole cornélienne : « Dans ton camp est l’Autriche ; » in deinem Lager ist Oesterreich !

Les sanglans conflits de Milan et de Venise n’étaient cependant que les préludes d’une lutte plus sérieuse. La partie allait se jouer entre l’armée autrichienne et les forces combinées de toute l’Italie. Les mémoires du général Schoenhals nous font pénétrer dans les deux camps : d’abord à la veille de la guerre, puis pendant les diverses péripéties des deux campagnes de 1848 et 1849. Il convient maintenant de jeter un coup d’œil sur les deux armées au moment où la lutte va s’engager. Nous n’aurons plus après cela qu’à les suivre dans les incidens les moins connus de la série d’opérations auxquelles donna lieu le soulèvement de Milan.

L’armée piémontaise se composait de la garde et de la ligne. La garde comptait quatre régimens de grenadiers et deux bataillons de chasseurs ; la ligne, dix-huit régimens d’infanterie, six régimens de cavalerie, un bataillon de sapeurs, une compagnie de mineurs, soutenue d’un bataillon de marine, le tout prenant part à la guerre. Ajoutons ce fameux bataillon des bersaglieri, qui peut être augmenté à volonté, troupe exercée, prompte à l’attaque, infatigable, et qui, pour l’agilité du mouvement, la hardiesse intrépide, l’adresse dans l’art de tirer, mérite d’être comparée à nos chasseurs de Vincennes. Cet effectif formait neuf brigades d’infanterie, une de la garde, trois de cavalerie. Chaque brigade avait trois régimens ; chaque régiment, trois bataillons. À compter mille hommes par bataillon, à prendre pour six mille hommes la garde, les bersaglieri et le bataillon de marine, on avait ainsi soixante mille hommes d’infanterie. Chaque régiment de cavalerie contenait cinq escadrons ; à huit cents hommes par régiment, on avait une cavalerie forte de quatre mille huit cents chevaux. De plus, en appelant les réserves sous les armes, l’infanterie pouvait facilement atteindre le chiffre de cent mille hommes. Il faut dire aussi que le Piémont, ayant été un peu, comme tout le monde à cette époque, surpris par les évènemens, ne se trouvait pas entièrement préparé. Ses troupes n’étaient pas concentrées, et force lui fut de les rassembler, ce qui fit que Charles-Albert, lorsqu’il parut sur le Tessin, n’avait pas avec lui plus de quarante à quarante-cinq mille hommes ; mais son effectif grandissait tous les jours, et, vers le milieu d’avril, le chiffre s’élevait au moins à soixante mille hommes. On connaît la réputation de l’artillerie piémontaise, véritable corps d’élite, richement pourvu quant au matériel, et que recommandaient à la fois et l’aptitude de ses officiers et l’intelligence de ses soldats. Cent pièces de canon, réparties en batteries de huit pièces chacune, formaient son contingent.

L’armée piémontaise, bien montée d’ailleurs, ne laissait pas d’avoir ses côtés critiques. De l’aveu même du général Bava, le service