Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 1.djvu/679

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les gouvememens feront bien de veiller, car, tel que je le connais, c’est l’ennemi le plus dangereux de l’ordre social existant. Et je frémis quand je pense qu’un pareil fanatique n’a peut-être pas dit encore son dernier mot. »

Puisque nous en sommes au chapitre des portraits, j’avouerai franchement que je me serais attendu à plus de détails. Ce qui manque dans l’ouvrage du comte Schoenhals, c’est, le croira-t-on ? la partie anecdotique. À cet endroit, le noble auteur se montre d’une réserve inexorable. Chaque trait de physionomie un peu intime est repoussé comme trivial, et tant de précieuses confidences, qu’on aimerait à recueillir d’une bouche si bien informée, s’arrêtent au bout de la plume, comme pouvant faire longueur et ne s’accordant point avec le style soutenu de l’ensemble. Aussi voudrions-nous, sans trop nous éloigner des brillans commentaires du général autrichien, essayer à notre tour d’esquisser ici certains côtés de cette guerre. Il a peint les larges traits, nous nous attacherions plus volontiers à cette partie, trop souvent omise chez lui, de biographie et d’analyse, étudiant même, en dehors du cadre où le comte Schoenhals les a posées, plusieurs de ces figures de héros dont la curiosité publique longtemps encore sera préoccupée, et complétant, à l’aide de nos souvenirs personnels, mainte physionomie qui nous est restée présente.


I

Le 18 mars 1848, le maréchal Radetzky était à travailler dans son cabinet de Villa-Reale, lorsqu’on vint lui apprendre que des barricades se dressaient de tous côtés dans Milan, et que le podestat Casati, accompagné de l’archevêque, promenait par les rues un drapeau tricolore. À peine avait-il reçu cette nouvelle, qu’un officier d’ordonnance entre à la hâte disant que le palais du gouvernement vient de tomber au pouvoir des insurgés. À ces mots, sans manifester la moindre émotion, le maréchal pose sa plume, et se tournant vers le comte Schoenhals, son adjudant-général : — Ne vous semble-t-il pas, dit-il, que le moment soit venu de mettre sur pied la garnison ? — Ceci, en effet, répond alors le comte Schoenhals, n’est plus une émeute, excellence, mais une révolution. — Eh bien ! donc faites tirer le canon, et tout le monde à cheval ! — En dix minutes, l’alarme était partout, et Milan voyait s’engager dans ses rues une lutte terrible qui devait servir de prélude à la campagne d’Italie. C’est peut-être la première fois qu’un chef d’armée passait ainsi sans transition de son cabinet de travail en pleine expédition militaire.

Au milieu de l’entraînement général, l’insurrection de Milan ne comptait guère que comme un détail, et ce n’était plus seulement à la Lombardie révoltée, mais à l’Italie entière soulevée, que Radetzky