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A Java, tout système qui ménage les intérêts de l’aristocratie et du clergé musulman a de grandes chances de réussite: L’habileté du gouvernement hollandais est d’avoir su, en toute occasion, s’effacer derrière les chefs indigènes. La population, exploitée au profit d’une domination étrangère, n’est jamais en contact qu’avec l’antique aristocratie qu’elle est habituée à vénérer. Les souverains de Djokjokarta et de Sourakarta, humiliés par l’issue de la dernière guerre, avaient beaucoup perdu de leur influence sur l’esprit du peuple javanais; mais ils couronnaient le sommet d’un édifice social basé tout entier sur les traditions nobiliaires. Les Hollandais respectèrent en eux le sang des empereurs de Mataram. Ils se contentèrent de leur retrancher leurs meilleures provinces, et s’engagèrent à leur payer, à titre de pension, une somme égale au revenu net qu’ils en retiraient. Le prince qui réside à Sourakarta, le sousouhounan, garde aujourd’hui 400,000 sujets et une liste civile de 1 million de francs. La part du sultan de Djokjokarta est moins considérable; on ne l’évalue qu’à 7 ou 800,000 francs et à 325,000 sujets. A l’exception de ces deux principautés et de certains districts, apanages de pangherans héréditaires, le domaine direct, dans l’île de Java, appartient tout entier au gouvernement des Pays-Bas.

Les possessions asiatiques de la Hollande sont partagées en trente-quatre provinces. L’île de Java seule en contient vingt-trois. Une résidence ou province hollandaise se compose de la réunion de plusieurs régences. Les régens ne sont point électifs. Le gouvernement les choisit dans les principales familles du pays. Bien qu’ils soient révocables, leurs fonctions sont en quelque sorte héréditaires. Il en est à peu près de même pour les chefs de district, dont le choix est laissé à l’intelligence du résident. Les chefs de village empruntent seuls, comme les autorités tagales aux Philippines, leurs pouvoirs à l’élection. Ces fonctionnaires élus, qui président à la répartition de l’impôt et des corvées, sont en général assistés d’un conseil de notables. L’île de Java renferme dix-neuf mille de ces chefs subalternes. Tel est le mécanisme d’une administration qui, à tous ses degrés, est intéressée au progrès des cultures. Le prêtre musulman lui-même prélève sa dîme sur la plupart des récoltes; son influence s’unit donc à celle de l’aristocratie pour favoriser l’exploitation du sol. Grâce à ce concours de volontés puissantes, il ne reste plus d’autre soin au gouvernement hollandais que de modérer, dans l’intérêt du peuple, le zèle exagéré des chefs qu’il a pris à sa solde.