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Batavia, ce même souverain acceptait l’alliance ou plutôt le joug impérieux de la compagnie.

Le trône de l’empereur de Mataram était sans cesse menacé par des insurrections ou par les attaques des chefs belliqueux de Célèbes. La compagnie entretint une armée pour défendre le prince qu’elle avait pris sous son patronage. Si elle avait eu des idées de conquête, elle eût livré l’île de Java à l’anarchie. Elle n’avait alors en vue que les bénéfices d’un commerce paisible; elle protégea donc de tout son pouvoir l’autorité légitime, comme la seule garantie de l’ordre et de la sécurité, sans lesquels ce commerce ne pouvait prospérer. C’est ainsi que chaque jour engagea davantage la compagnie dans les questions de gouvernement auxquelles son intérêt semblait lui commander de rester étrangère. En 1676, quand l’empereur, fuyant devant les rebelles, abandonnait sa capitale et allait mourir au milieu des forêts de l’intérieur, la compagnie plaçait sur le trône le fils du souverain vaincu, et, après de longs efforts, réussissait à l’y affermir. A la fin du XVIIe siècle, elle était déjà l’arbitre des querelles et des destinées de tous les princes javanais. C’était elle qui choisissait entre les membres de la famille impériale le successeur du sousouhounan. Les sultans de Bantam et de Cheribon d’alliés incertains étaient devenus ses feudataires; les princes de Madura commandaient les cohortes fidèles qui formaient le noyau de ses armées. Chaque révolte étendait sa souveraineté et grandissait sa puissance. Deux princes du sang de Mataram résistèrent cependant de 1741 à 1755 à cet ascendant victorieux. Plus d’une fois ils mirent en péril le trône du sousouhounan et le pouvoir de la compagnie. Il fallut pactiser avec ces adversaires trop redoutables. Le sousouhounan conserva la dignité /suprême et sa capitale Sourakarta; mais un des princes rebelles fut élevé à la dignité de sultan, et devint à Djokjokarta le chef d’une dynastie rivale de la souche antique des souverains de Mataram ; le second prince obtint le titre de pangheran et un riche apanage, sous la condition de ne point quitter la cour de Sourakarta.

On peut regarder cette époque comme l’apogée du pouvoir de la compagnie néerlandaise. Des traités successifs l’avaient substituée, sur la majeure partie du territoire, aux droits des souverains javanais, et la puissance politique était passée tout entière dans ses mains ; mais cette puissance qu’elle avait conquise à regret, la compagnie n’en comprenait ni les avantages ni les obligations. Contente d’avoir assuré par des contrats, trop empreints de l’esprit mercantile pour être équitables, les livraisons qui devaient annuellement remplir ses magasins, elle abandonnait entièrement à l’aristocratie indigène l’administration intérieure de ses possessions. Ce despotisme local ne tarda point à produire ses fruits. Livrée aux caprices des régens