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servirent pour hâter les progrès qui, avant l’apparition des Hollandais, avaient assis leur domination sur une partie de l’archipel indien.

Ce fut en 1596 que le pavillon des Provinces-Unies se montra pour la première fois dans les mers où il était destiné à jouer bientôt le premier rôle; il trouva la société javanaise se défendant par la force de ses traditions contre les causes d’affaiblissement que lui créaient des agitations toujours renaissantes. L’empire de Mataram, consolidé après de longues luttes intérieures, remplaçait alors à Java l’empire hindou de Modjopahit. Malheureusement la suprématie que le souverain de Mataram, sous le nom de sousouhounan, exerçait sur les divers états du littoral, n’avait point délivré les Javanais du fléau des guerres intestines. Les sultans installés sur les autres points de l’île n’en donnaient pas un moins libre cours à leurs rivalités. L’instinct de soumission propre aux races orientales et le culte des anciennes coutumes maintenaient cependant une apparence d’ordre et un certain bien-être dans cette société si divisée. L’anarchie n’était qu’à la surface. Les princes se trahissaient, s’égorgeaient mutuellement : leur personne demeurait toujours sacrée pour le peuple. La société javanaise reposait alors sur cette base qui, après tant de siècles et d’événemens, la supporte encore aujourd’hui : le respect superstitieux des masses pour tout homme dans les veines duquel coulait le sang des anciens chefs.

La noblesse javanaise ne ressemble en aucune façon à la noblesse européenne; celle-ci s’est constituée par la force des armes, en dépit des protestations tacites d’un peuple plus civilisé que ses vainqueurs; l’autre est moins une institution politique qu’un dogme religieux, elle a son origine dans la reconnaissance et l’étonnement des tribus primitives arrachées par leurs conquérans à la barbarie. Les honneurs héréditaires qu’elle a conférés furent, dans le principe, le premier pas de hordes sauvages vers la civilisation. Le Coran ne fit point disparaître ces inégalités sociales, il les compliqua. Les nombreux descendans des prêtres arabes qui vinrent prêcher l’islamisme à Java formèrent, à côté de la noblesse princière, déjà multipliée à l’infini par une polygamie féconde, une sorte de noblesse hiératique. Les titres de radin , radin mas, radin mas hario, indiquaient, à des degrés divers, la parenté impériale. Les fils du sousouhounan étaient des pangherans, ses filles des radin-hagous. Les mésalliances étaient rares à Java; on n’y avait point cependant poussé le fanatisme nobiliaire au même point qu’à Bali, et le sousouhounan ne se croyait point obligé, comme le prince balinais de Klong-Kong, d’épouser une de ses sœurs pour perpétuer la pureté de sa race. La société javanaise n’avait rien non plus qui rappelât les castes de l’Inde; elle ignorait les élévations subites et les brusques reviremens de fortune. Le gouvernement des provinces, l’administration de la justice, le