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Cependant la révolution française marchait toujours. Rien n’arrivait qui dût désarmer Burke, et les événemens, au contraire, pouvaient décourager Fox et ses amis. Ceux-ci néanmoins ne croyaient pas que l’Angleterre fût menacée dans son repos, ni qu’un danger imaginaire prescrivît l’abandon d’aucun principe de liberté. Non-seulement ils demandaient la réforme parlementaire, au risque d’effrayer les conservateurs, mais ils appuyaient les pétitions des dissidens unitairiens, au risque de scandaliser les dévots. Burke avait autrefois soutenu les dissidens, il avait voulu affranchir de toute restriction la liberté religieuse (1773); mais aujourd’hui il regardait les dissidens comme des sectateurs de la philosophie française, comme les précurseurs des athées. « C’est des sociétés unitairiennes que vient tout le mal, » écrivait-il à son fils, et il lui prédisait qu’il vivrait assez pour voir le christianisme extirpé de l’Angleterre comme de la France. Selon lui, les ministres ne savaient prendre que des demi-mesures. Et pourtant ces demi-mesures, qu’ils accordaient moins à leurs propres craintes qu’aux alarmes de leur parti, trouvaient dans Fox et Sheridan de violens contradicteurs. A propos d’une proclamation contre les écrits et les doctrines anarchiques, un nouveau schisme éclata parmi les whigs.

Le duc de Portland, ancien premier ministre de la coalition, chef de l’opposition modérée, songeait à se rapprocher du ministère pour le maintenir ou l’attirer dans un système de politique intermédiaire dont Pitt ne semblait pas éloigné, car il était mécontent du lord-chancelier, et le reste du cabinet ne le satisfaisait pas entièrement. Il ne se souciait d’ailleurs d’être l’instrument de personne, et peut-être n’eût-il pas été fâché de se fortifier par des alliances modératrices contre les exigences d’une cour quasi-absolutiste et des tories excessifs. On parlait donc d’une fusion des partis, d’une administration formée sur une large base. Les négociateurs étaient Dundas et lord Loughborough. Le duc de Portland, qui savait que Pitt fatiguait le roi, aurait délivré ce prince d’une domination exclusive en devenant le lien d’un nouveau cabinet; mais il n’avait pas lui-même des idées bien arrêtées, et Pitt autorisait les pourparlers sans donner aucune espérance positive. Au dernier moment, il n’eût jamais consenti à céder la trésorerie. Fox ne la réclamait pas, mais il ne voulait ni que Pitt la gardât, ni que le duc de Portland la prît. C’était rompre la négociation avant de la commencer. Cependant des hommes honorables et modérés l’avaient prise fort à cœur. Leur pensée était de fortifier, par cette réconciliation, la monarchie anglaise contre l’esprit révolutionnaire, tout en prenant contre la France un ton moins agressif. Aussi Burke, après s’être prêté à la négociation, avait-il fini par tout désapprouver, et le début de la session suivante trouva les