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des whigs de l’Angleterre avait décidé que dans le débat entre M. Fox et M. Burke, le premier avait soutenu les pures doctrines auxquelles ils étaient irrévocablement attachés. « La conséquence est que M. Burke se retire du parlement. » Cette sentence ainsi signifiée le toucha vivement, et il en appela des nouveaux whigs aux anciens. C’est le titre d’un écrit que nous regardons comme un de ses meilleurs, quoiqu’il ne renferme rien de bien neuf. Burke y prend un ton modéré avec ses anciens amis; il parle de Fox avec égards; on voit qu’il est atteint dans ce qu’il a de plus cher, son honneur politique, et qu’il tient à prouver qu’il n’a jamais abandonné ni ses amis ni ses principes. Il revient sur sa vie passée, et il montre, selon nous avec évidence, que rien dans tous ses précédens ne le liait envers un événement futur, imprévu, comme la révolution française, et que les connexions de parti formées sur des questions connues et pour des éventualités ordinaires n’impliquent pas l’engagement de suivre, à tout prix et dans toute hypothèse, l’opinion à venir de ceux avec qui l’on s’est uni. Il retrouve aisément dans ses discours antérieurs les germes épars des idées qu’il soutient aujourd’hui. Qu’avec des circonstances nouvelles il ait changé de point de vue, que ses dispositions envers les hommes, que son appréciation des choses soient modifiées, il essaierait vainement de le contester; mais changer ainsi, nous le lui accordons volontiers, ce n’est pas trahir. Ce qu’il démontre avec le même succès, c’est le caractère défensif de la révolution de 1688, et par suite la grande distance qui sépare les anciens whigs des sociétés démocratiques qui prétendent continuer leur école. Là se trouve une dissertation où les doctrines des ancêtres du parti sont établies, pièces en main, de la manière la plus intéressante. Il termine en discutant, non pas la souveraineté du peuple, mais la notion même du peuple dans les sociétés civilisées. Ce n’est pas un nombre pris au hasard de créatures humaines qui, considérées en dehors de leur histoire, n’auraient plus même une patrie : c’est une société déterminée, ayant des traditions, un sol, des institutions, des lois, des souvenirs, des mœurs, et dont les droits ainsi constitués ne dérivent pas d’un état de nature sauvage ou chimérique. Cet écrit, qui n’a rien de fort brillant, est un des mieux raisonnes qui soient sortis de sa plume, et comme il est ici sur un terrain purement anglais, il est plus pratique et plus modéré, et ses sentimens plus contenus en acquièrent plus d’autorité.

Cependant sa position politique devenait très pénible. Il n’avait rien de ce qu’il faut pour ménager une transition. Fier et irritable, il ne savait qu’accabler ou négliger ses adversaires; il était dégoûté de la vie parlementaire. Entre l’assemblée et lui, il n’y avait plus intelligence; il l’ennuyait, c’est là un mal irréparable. Son talent vieillissait et