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servitutis. Rien de plus à craindre que l’exemple d’une nation dont le caractère ne connaît pas de milieu, et qui, après avoir enseigné l’intolérance et le despotisme, ouvre école d’athéisme et d’anarchie. C’était donc avec chagrin qu’il avait entendu M. Fox. Il ne pouvait attribuer ses paroles qu’à son zèle bien connu pour la plus belle de toutes les causes, la liberté. Il avait en lui une confiance qui allait jusqu’à la docilité; il lui était attaché par des liens qui ne se rompraient pas aisément. « Il lui souhaitait, comme un des plus grands bienfaits pour le pays, une part éminente dans le pouvoir, parce qu’il savait que son ami joignait à sa grande et supérieure intelligence le plus haut degré possible de cette modération naturelle qui est le meilleur correctif du pouvoir, que nul n’était plus sincère, plus loyal, plus bienveillant, plus désintéressé, plus généreux; mais enfin, en relevant quelques expressions échappées à son meilleur ami, il prouvait à quel point il était opposé à tout ce qui tendrait à l’introduction dans son pays d’une telle chose que la démocratie française. But et moyens, tout lui était odieux, et afin de résister aux tentatives d’un aussi violent esprit d’innovation, il se séparerait de ses meilleurs amis pour se joindre à ses plus grands ennemis. »

Burke termina son discours par une vive peinture de l’état de la France. La conduite de la nation, celle de l’assemblée, les principes de la constitution, surtout l’intervention de la force armée dans la querelle au nom du peuple, tout est jugé avec une sévérité éloquente, et un parallèle très animé entre la révolution d’Angleterre et la révolution française répond à tous ceux qui pensent que leur admiration pour l’une les oblige à admirer l’autre. On devine tout ce qu’un esprit supérieur peut dire sur ce texte, et Burke, qui ne cessa pas d’y revenir pendant le reste de sa vie, n’ajouta rien de bien neuf ni de fondamental à ce qui se trouve sommairement dans ce premier discours. Nous devons même prévenir les ennemis de la révolution française qu’ils rencontreront dans ces quatre pages tout ce qu’on peut écrire contre elle de plus fort et de plus sensé. On n’y a guère ajouté depuis que des exagérations et des paradoxes.

Fox ne laissa pas ce discours sans réponse; mais il paraît qu’il se justifia plutôt qu’il ne le réfuta. Ses éloges ont, dit-il, porté sur l’ensemble et non sur certains actes. Il n’aspire nullement d’ailleurs à la démocratie, car il est ennemi de tout gouvernement simple. La monarchie pure, la pure aristocratie, la pure démocratie, sont des formes vicieuses ou imparfaites; mais, malgré sa déférence pour l’homme dans la conversation duquel il a plus profité que dans le commerce de tous les hommes réuni à la lecture de tous les livres, il ne peut s’empêcher de lui dire que dans son discours, un des plus brillans de pensée et d’éloquence qu’il ait prononcés, la haine de