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prix l’humanité et la justice avaient payé ses conquêtes. Peut-être cet exemple eût-il été suivi, peut-être l’orgueil britannique eût-il jeté un voile sur les excès d’un despotisme victorieux, peut-être le gouvernement eût-il même appelé sur Hastings les marques de la reconnaissance nationale, si le comité de la chambre, formé en d’autres temps sous l’influence de sentimens opposés, acharné pour ainsi dire à la poursuite de la vérité, n’avait, par ses révélations, soulevé la morale ou la pudeur publique, et découragé l’indulgence par la peinture répétée de ces excès que les assemblées ne pardonnent qu’à la condition de pouvoir les ignorer. Hastings, quoique confiant dans le prestige de ses succès, se voyant attaqué et non défendu, revint, dès 1785, spontanément en Angleterre, au moment où la compagnie croyait répondre à tout en lui votant des remerciemens pour ses services. Accueilli par elle avec de grands honneurs, par le roi et par la reine avec une faveur marquée, poursuivi seulement par une opposition vaincue, il se croyait assuré de l’appui du gouvernement. Il osait compter sur des récompenses égales ou supérieures à celles qu’avait obtenues lord Clive, sur un ordre de chevalerie, sur la pairie elle-même; mais, conformément à un rapport de Dundas parlant au nom d’un comité spécial, un vote de censure avait passé trois ans auparavant contre Hastings, et restait inscrit sur les journaux de la chambre. Dundas, quoique ramené par ses fonctions ministérielles à des sentimens plus doux pour la compagnie des Indes, ne pouvait cependant ne compter pour rien une résolution qu’il avait lui-même provoquée. Il y avait dans la majorité des hommes scrupuleux qu’aucun engagement politique n’aurait déterminés à couvrir d’une approbation formelle les excès d’une tyrannie tout asiatique. Les dernières élections avaient amené dans la chambre l’implacable Francis, dont le séjour dans l’Inde n’avait été qu’une longue lutte contre Hastings; Francis, qui, fier de sa sévérité, se souciait peu qu’elle eût les allures de la colère et de la vengeance; Francis, qui, par là du moins, semblable à Junius, se faisait une vertu de sa haine, et répandait dans tous les cœurs le fiel dont le sien était rempli. Mû par des passions plus pures, emporté par une colère honnête et désintéressée, Burke éprouvait contre l’oppresseur de l’Inde tous les sentimens qui pouvaient soulever Tacite contre les tyrans de Rome, et son imagination, enflammée par les peintures mêmes qu’elle s’était faites des misères de toute une partie du monde, demandait en quelque sorte à s’épancher dans les invectives d’une vengeresse éloquence. Enfin l’âme généreuse de Fox s’animait pour un thème d’opposition qui se rapportait cette fois, non à des intérêts de parti, mais à la défense des droits de l’humanité.

Cependant la question n’aurait donné lieu probablement qu’à de