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nous pouvons dès aujourd’hui considérer comme accomplie, tant elle est devenue inévitable.

C’est dans les états du sultan de Goa que se trouve enclavé le district de Macassar. Ce royaume allié comprend une étendue d’environ 300 lieues carrées et une population de 65,000 âmes. Le royaume de Boni, sur un territoire de 600 lieues carrées, ne compte pas moins de 200,000 âmes, dont 40,000 hommes capables de porter les armes. Ce sont les habitans de ce royaume de Boni, connus sous le nom de Bouguis ou Bouguinais, qui traversent l’archipel indien dans leurs frêles embarcations et se rendent jusque sur les côtes de l’Australie pour y pêcher le tripang que l’on exporte ensuite de Singapore sur les côtes du Céleste Empire. La population insulaire directement soumise à l’autorité hollandaise ne dépasse guère le chiffre de 300,000 âmes. 7 ou 800,000 indigènes, 1 million peut-être, échappent au contrôle de cette autorité, et par l’intermédiaire des pros bouguis entretiennent avec Singapore des relations commerciales dont l’importance a été évaluée, année moyenne, à 2,700,000 fr. Ce fut dans l’espoir de reconquérir cette clientèle, qui, avant la création de Singapore, appartenait tout entière à Java, que les Hollandais décrétèrent la franchise du port de Macassar.

Grâce au laisser-aller de la police anglaise, Singapore doit avoir de grandes séductions pour les navigateurs malais. C’est dans ce port que viennent s’approvisionner d’armes et de munitions tous les pirates de l’archipel indien. On peut espérer cependant que, lorsqu’il s’agira de se procurer des articles moins suspects, les pros du golfe de Boni trouveront plus simple de se rendre à Macassar que d’entreprendre un voyage de quatre cents lieues, aujourd’hui que ce voyage ne pourrait plus offrir, en compensation des fatigues et des périls qu’il entraîne, un bénéfice sur les marchandises de retour de 30 ou 50 pour 100. La franchise du port de Macassar date de 1847, et dans cette même année, les importations s’accrurent de plus de 3 millions de francs, les exportations de 2 millions. Depuis lors, il s’est fait annuellement à Macassar pour 10 ou 11 millions d’affaires. Outre sa situation unique à l’embranchement de la mer de Java, de la mer des Moluques et d’un large détroit qui remonte vers le nord, Macassar peut citer avec un légitime orgueil la salubrité de son climat, la sûreté de son ancrage, les facilités que présente sa rade pour le chargement et le déchargement des navires. Il est impossible de ne pas voir dans ce port le futur entrepôt des produits de Timor, de Céram, des Moluques et de la Nouvelle-Guinée. L’industrie européenne y trouvera l’immense avantage de pouvoir associer à ses opérations une population essentiellement commerçante, la seule parmi les peuples soumis à la domination hollandaise que n’effraient point