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intérêt qui s’attache à la partie septentrionale de Célèbes tient à un ordre d’idées tout différent. Depuis longtemps, les Hollandais ont songé à trouver dans l’archipel indien l’écoulement de leur population exubérante. Quelques économistes auraient voulu organiser à Java même la colonisation européenne. On craint néanmoins qu’à Java le prestige inhérent à la qualité d’Européen ne souffre de l’introduction dans la colonie de ces nouveaux travailleurs. Dans la résidence de Menado, cet inconvénient disparaît. On n’y rencontre qu’une population indigène peu considérable, disposée à écouter les leçons des missionnaires protestans, et qu’on pourrait sans crainte associer aux privilèges des cultivateurs hollandais. Le gouvernement des Pays-Bas n’a point de parti pris dans les questions coloniales. Nul mieux que lui ne sait plier sa politique aux circonstances. Il peut faire dans le nord de Célèbes ce que l’Espagne a fait aux Philippines, appuyer sa domination non plus sur les abus séculaires du pays, mais sur la prédication religieuse et sur la fusion des races. Cette œuvre honorable, nous ne doutons point qu’il ne l’accomplisse un jour, et c’est dans cet avenir que réside à nos yeux l’importance de la province de Menado.

On connaît la configuration bizarre de l’île Célèbes, divisée par les golfes de Gorontalo, de Tolo et de Boni en quatre péninsules distinctes; on dirait au premier abord je ne sais quelle araignée monstrueuse étendue sur la carte. Grâce à sa forme irrégulière, Célèbes n’a peut-être aucun point de sa vaste surface qui se trouve à plus de cinquante milles de la mer. La péninsule septentrionale, celle qui nous avait attirés d’abord, est la plus étroite de toutes. Sa largeur moyenne est de trente-cinq ou quarante milles. On comprend tout l’avantage d’une pareille disposition pour l’exploitation des immenses forêts qui couvrent encore la majeure partie du sol de la résidence. C’est dans ces forêts qu’on rencontre l’ébène, dont nous avons vu d’énormes madriers de trois et quatre pieds de largeur; le lingoa ou bois d’Amboine, qui fournit d’admirables meubles; le bois de fer, dont le tronc atteint parfois plus de huit pieds de diamètre ; le bois de gofaffa et le bois de bintanger, qui offrent des matériaux plus appropriés à la construction des navires. De belles routes bien entretenues, et chacune d’un développement d’environ trente milles, gravissent déjà les pentes des montagnes et relient aux deux ports de Menado et de Kema le fertile district de Tondano. Une route semblable établit entre ces deux ports une communication facile. Malheureusement ce n’est point la dixième partie de la résidence qui se trouve ainsi ouverte par des travaux qui seraient partout ailleurs imposés aux colons. Il y aurait encore près de cent cinquante lieues de route à percer à travers les montagnes, de la baie de Palos au port franc de