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nous présentâmes chez le résident de Menado, avec l’intention de renouveler nos instances pour obtenir des indications sur le riz noir. Cette précaution ne fut point inutile, car à Menado même le riz noir était depuis longtemps sorti du domaine de la réalité. Jamais on ne le voyait entrer dans les magasins du gouvernement ou s’étaler sur les échoppes du campong chinois. Si la culture s’en perpétuait, ce n’était que dans les districts les plus reculés de la résidence. M. Van Olpen nous promit cependant que nous n’aurions point vainement sollicité son intervention. Nous emporterions de Menado du riz noir, et, ce qui valait mieux suivant lui, sept ou huit autres variétés du riz blanc de montagne.

Ce n’était point assez cependant d’avoir conquis ces utiles semences : il fallait surprendre encore les secrets de la culture dont on nous avait confié le soin de doter la France. Les Parmentier ne sont immortels qu’à ce prix. M. Van Olpen, dont l’aimable obligeance devançait nos désirs, nous offrit gracieusement de nous mettre en rapport avec un chef de village, un kappouIa-balak, que la voix publique désignait comme un des plus habiles agriculteurs du pays. Le lendemain même de notre arrivée, pendant que quelques-uns des officiers de la corvette allaient visiter le district de Tondano, où règne, à quelques milliers de pieds au-dessus du niveau de la mer, un printemps éternel, une cavalcade plus paisible poursuivait, sous la conduite de M. Van Olpen, des recherches fort étrangères aux occupations habituelles d’un officier de marine. Deux ou trois heures après le lever du soleil, nous avions atteint les premières pentes du Klobath, et nous gravissions, par un chemin tournant, la croupe accidentée de la montagne. La végétation des Moluques est sobre et contenue, si on la compare à celle de la résidence de Menado. Jamais nous n’avions vu la nature déployer cette puissance de production. Ce n’était plus le spectacle d’une fécondité luxuriante, c’était le désordre d’une orgie. La route, hardiment tracée à travers les précipices, nous montrait à chaque pas des forêts suspendues aux parois des abîmes, des gouffres à demi comblés par des avalanches de verdure, des palmiers séculaires étouffes sous les mille replis des lianes ou fléchissant sous le poids d’innombrables corbeilles de plantes parasites. Du point culminant que M. Van Olpen avait marqué d’avance pour le terme de notre course; nous pûmes embrasser l’ensemble de ces magnifiques horreurs et la beauté plus calme de l’immense horizon qui se déroulait jusqu’à la mer. Nous redescendîmes alors vers le village où le kappoula-balak attendait avec impatience ses illustres hôtes.

Les habitans de la résidence de Menado se rapprocheraient plutôt des naturels de la Polynésie, des Harfours de Bourou et des Dayaks de Bornéo, que des Malais de Sumatra ou des pirates cuivrés de