Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 1.djvu/421

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La résidence de Menado, quoique située sur le territoire de Célèbes, dépend du gouvernement des Moluques. Elle se compose des districts de Menado et de Tondano, possédés en toute souveraineté par la Hollande, et du district de Gorontalo, où un sultan vassal conserve encore, pour le malheur des plus misérables habitans de l’archipel, toutes les prérogatives d’une autorité tyrannique. Les derniers recensemens attribuent à la résidence de Menado, dont le cercle administratif embrasse le groupe des îles Sanguir, une population d’environ 200,000 âmes[1]. Ce chiffre n’est point en rapport avec l’importance des possessions néerlandaises dans le nord de Célèbes. Le développement naturel de la population ne peut tarder à le grossir, quand bien même de nombreux colons ne seraient point attirés un jour ou l’autre à Menado par la salubrité du climat. Nulle part d’ailleurs ces colons ne rencontreraient un sol plus fertile. Le feu souterrain qui a donné naissance au mont Klobath, au Sepoutang, au Roumengan, à l’Empong, dont les cimes s’élèvent à cinq ou six mille pieds au-dessas du niveau de la mer, semble activer encore la fougueuse vigueur d’une végétation que baigne incessamment la rosée des nuits ou qu’inondent de leur déluge périodique les pluies équatoriales.

Mouillés à portée de voix du rivage, près duquel notre poupe était retenue par un câble fixé à deux piliers solidement enfoncés dans le sable, nous mesurions d’un regard étonné la hauteur du Klobath, dont l’ombre se projetait au loin sur la mer. Cette masse noirâtre, assise au bord de la baie comme un géant pétrifié, semblait menacer de son cratère béant encore la ville aux toits de palmiers, qui, presque inaperçue du mouillage, occupe la base même du volcan. Une heure environ après le coucher du soleil, nous pûmes descendre à terre, et notre premier soin fut de nous diriger vers la demeure du résident. La lune versait alors ses lueurs discrètes sur la campagne, et embellissait le gracieux paysage qui se déroulait devant nous. Nous avions laissé sur la droite les remparts de la citadelle de Menado, simple bastion carré destiné à servir de logement à la garnison plutôt que de défense à la ville ; à notre gauche s’étendaient le campong des Chinois et le quartier malais, borné par la rivière. Deux haies d’hibiscus, taillées au ciseau, bordaient les détours d’un sentier où le sable criait joyeusement sous nos pas ; la brise de terre

  1. La population de la résidence de Menado était ainsi divisée en 1849 : ¬¬¬
    Européens ou métis 1,111 âmes.
    Chrétiens indigènes 9,242
    Idolâtres ou mahométans de nom 199,057
    Mahométans zélés 2,091
    Chinois 1,040
    Esclaves 416
    Total 212,957 âmes.