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REVUE. — CHRONIQUE.

du côté de la mer. En fait, cette démonstration maritime, conseillée, dit-on, par l’Angleterre, est plutôt une occasion favorable de montrer une escadre turque dans l’Adriatique à côté de l’escadrille autrichienne qu’un moyen sérieux de cerner le Monténégro. Si les Turcs en attendent d’autres résultats, ils se font illusion. La Russie est en mesure de faire parvenir aux Monténégrins l’argent et les munitions qui leur manquent, par les routes serbes et par le cœur même de la Turquie, aussi bien que l’Autriche par ses propres frontières. La solution de cette guerre, acceptée peut-être imprudemment par la Turquie, reste donc douteuse. Il est à regretter que quelque grande puissance amie ne soit pas venue interposer sa médiation amicale dans ce conflit, et empêcher une effusion de sang qui ne sera pas moins fatale aux Turcs dans le cas d’une victoire que dans celui d’une défaite, car les Slaves de Bosnie, de Serbie et de Bulgarie, leur pardonneraient difficilement l’invasion du Monténégro.

CH. de Mazade.


PAYSAGES.

BETHLÉEM ET JERUSALEM.


Je suis bien loin de vous, mère, — à Jérusalem !
À deux pas du Calvaire, — à quatre de Bethlem.
Ah ! les fils ! — n’est-ce pas ? — quelle race maudite !
Les avoir tant choyés et les perdre si vite !
Les ingrats, ils s’en vont, sans souci de vos pleurs.
Et s’ils paient votre amour, c’est avec des douleurs.
Depuis que ce pays, où germaient les miracles.
Étonne mes regards de ses mornes spectacles,
J’ai senti bien souvent, plein d’un pieux émoi.
Mes souvenirs d’enfant se réveiller en moi.
Je retourne à ce temps, de paisible mémoire,
Où de l’enfant Jésus vous m’appreniez l’histoire.
Où pas une ombre encor ne flottait entre nous.
Où Dieu seul partageait mon amour avec vous.
Les yeux déjà tournés vers l’avenir immense.
Vous jetiez dans mon âme une austère semence.
Parmi ces grains tombés de votre chère main.
Beaucoup sont demeurés aux buissons du chemin.
Combien je suis changé, ma mère, et quel ravage
Chaque année en passant a fait dans votre ouvrage !
Comme on compte en pleurant les amis qui sont morts.
Je compte mes vertus et mes grâces d’alors.

Quand je marche à travers ces abruptes vallées,
D’arbres et d’habitans à jamais dépeuplées.