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Les droits d’entrée présentent une augmentation de plus de 2 millions de florins sur la période correspondante de 1851. Pendant cette dernière année, les droits d’entrée ne s’étaient élevés qu’à 19 millions et demi de florins ; ils ont dépassé 22 millions en 1852. C’est dans toutes les régions du monde financier que le progrès se fait aujourd’hui sentir. La grande plaie de l’Autriche au sortir de la dernière révolution, c’était la dépréciation du papier-monnaie. Ce papier tend de plus en plus à reprendre sa valeur nominale. L’agio de l’argent, qui l’année dernière était encore de 20 pour 100, a fléchi jusqu’à 7 pour 100. On assure même que, dès à présent, les maisons de change ne reçoivent pas sans difficultés les pièces de 20 kreutzers contre du papier-monnaie ou des billets de la banque. Ainsi l’Autriche, grâce à une activité et à une persévérance qu’aucun autre gouvernement n’a dépassées, voit de jour en jour s’affermir la situation calme et prospère qui a succédé pour elle aux cruelles épreuves de 1848.

Le Monténégro ne cesse pas d’être l’objet de la plus vive curiosité en Allemagne, et particulièrement en Autriche. Il n’est question en ce moment que d’une grande concentration de troupes autrichiennes en Dalmatie et sur les confins de la Turquie occidentale. Ces bruits ont tout le caractère de la vraisemblance. Depuis deux ans, profondément blessée par l’affaire des réfugiés hongrois qu’elle ne paraît pas devoir oublier de si tôt, l’Autriche n’a négligé aucune occasion de témoigner les dispositions les plus amicales aux Bosniaques dans leurs querelles avec la Turquie. Le cabinet de Vienne d’ailleurs représente spécialement le catholicisme dans les provinces européennes de l’empire ottoman ; les Bosniaques sont en majorité catholiques ; des rapports suivis ont existé de tout temps entre ces populations et le gouvernement autrichien, surtout depuis que la France a cessé d’avoir des agens sur ce terrain trop peu étudié. — Si les Monténégrins ne sont pas catholiques, depuis vingt ans, une idée non moins puissante que celle de religion, l’idée de race, a établi entre les Slaves de Turquie et ceux d’Autriche des relations dont le gouvernement autrichien ne dédaigne pas de se servir, ne pouvant plus les empêcher. Les Monténégrins l’intéressent d’autant plus sous cet aspect, que la Russie, depuis 1805, se regarde comme protectrice et presque suzeraine du Monténégro, et qu’elle a su en faire un de ses principaux points d’appui dans ses démêlés avec l’empire ottoman. Et c’est par là en effet, comme par la Serbie, que cet empire est particulièrement menacé, s’il ne sait faire un effort généreux pour échapper aux redoutables difficultés que le vieux parti des fanatiques a suscitées au pays dans les derniers mois de 1852.

La politique du divan à l’égard du Monténégro est de pousser la guerre avec toute la vigueur qui lui reste ; c’est Omer-Pacha qui est chargé de conduire cette expédition. Omer est certainement le plus brillant officier-général de l’armée ottomane ; malheureusement, pour se faire pardonner par les Turcs son origine slave, il croit devoir, toutes les fois qu’il est aux prises avec les Slaves, faire preuve d’un zèle musulman qui n’est guère propre à pacifier les différends. — Pendant que la Sublime-Porte envoie des renforts en Bosnie, elle proclame le blocus du rivage voisin de la Montagne-Noire, séparée de la mer seulement par une langue de terre de quelques centaines de mètres. Le but de ce blocus est d’interdire aux Monténégrins la ressource des ravitaillemens