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politiques s’en sont séparés pour se rapprocher du cabinet ; pourtant il est malheureusement vrai qu’il reste toute une fraction du parti conservateur qui continue son opposition, et c’est là ce qu’il y a de grave dans la situation de l’Espagne. M. Mon, M. Pidal, le général Concha, le duc de Rivas, sont du nombre des opposans, et, chose étrange, cette fraction du parti modéré fait aujourd’hui alliance avec le parti progressiste. Que peut-il y avoir de commun cependant entre ces deux opinions qui sont séparées par quinze ans de luttes, par leurs idées, par leurs instincts, par leurs traditions ? Le régime libéral à sauvegarder, dira-t-on ; mais le parti conservateur dissident et le parti progressiste l’entendent-ils de même ? Des hommes comme M. Pidal et M. Mon ne doivent-ils pas comprendre que de telles coalitions sont faites plus que tout le reste pour compromettre l’avenir du régime constitutionnel en Espagne, pour le discréditer aux yeux du peuple par le spectacle d’alliances aussi étranges ? La belle victoire, quand les réformateurs de la constitution de 1837 amèneraient par leur concours l’élection de M. Mendizabal à Madrid ! La modération même du ministère est une occasion pour les conservateurs espagnols de reconstituer leur parti, et nous croyons que ce grand intérêt dominera encore les résolutions et la conduite des hommes dont les susceptibilités inquiètes pourraient bien finir par devenir un péril pour ce qu’ils veulent défendre et préserver.

De tous les états constitutionnels, la Hollande est peut-être le plus calme. Dans cet heureux pays, le soin des affaires domine ; la politique y conserve ce caractère pratique, propre à un peuple sensé et industrieux, et le même esprit se retrouve naturellement dans les discussions législatives. Les chambres néerlandaises ont tout récemment pris des vacances, comme le parlement anglais en prend d’habitude aux fêtes de Noël ; mais ce n’est point sans avoir préalablement réglé les affaires les plus urgentes, le budget, par exemple, qui a été adopté à une assez grande majorité. Une autre question se présentait à l’attention des chambres hollandaises, c’était la proposition de la conversion du 4 pour 100. L’opportunité de cette mesure ne pouvait être plus évidente en présence des résultats favorables des trois derniers exercices financiers, de la situation actuelle du trésor et des symptômes de prospérité de la présente année. Tout cela conduisait le gouvernement hollandais à la pensée de réduire le taux de l’intérêt ; mais dans quelle mesure s’opérerait cette réduction ? dans quelles conditions pourrait-elle être utilement réalisée ? Là est la question que les chambres ont eu à discuter, et elles l’ont résolue en laissant au gouvernement le choix, selon les circonstances, entre une conversion en 3 3/4 et une conversion en 3 1/2. Ce vote même est une singulière preuve de confiance envers le ministre des finances, M. Van Bosse. Quelque paisible qu’ait été cette discussion, et quelque favorable qu’ait été le résultat au cabinet hollandais, elle n’a point laissé cependant de susciter un incident qui a produit quelque impression. Un député, M. Sloet, s’est plaint avec une certaine amertume que le ministère transformât la majorité en une sorte de machine à voter. L’incident, d’ailleurs, n’a point eu de suite ; mais il peut être un utile symptôme pour le cabinet de La Haye. À part ces questions financières, les discussions récentes des chambres ont eu peu d’importance. L’attention de la Hollande se porte aussi avec un intérêt particulier sur les Indes. D’après les dernières nouvelles de ces contrées, le gouverneur-général