Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 1.djvu/397

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mens les occasions de résolutions délicates ; mais, s’il n’est point facile de vivre avec elle, il serait encore plus difficile de vivre sans elle ou tout à fait en dehors d’elle en Europe. Ce n’est point d’aujourd’hui qu’elle ébranle ou qu’elle rassura le monde. Les traités n’ont point prévu tous ses gouvernemens : soit ; les traités ont subi bien d’autres infractions depuis trente ans. De nouveaux états se sont formés, des territoires ont été absorbés, des agrandissemens territoriaux se sont produits, et ce n’est pas seulement dans ces détails que les traités ont reçu des atteintes, c’est dans leur esprit même. La politique de non-intervention, qui domine aujourd’hui, n’est-elle pas la contradiction éclatante de la politique de solidarité entre les dynasties, sur laquelle reposait la mainte-alliance ? Quel est le sens profond de ce changement dans l’esprit qui préside aux relations internationales ? C’est de mettre au-dessus de tout l’intérêt de la paix générale, c’est de concilier cette paix avec l’indépendance intérieure des peuples. L’Angleterre n’a point de peine à reconnaître cette politique : elle dérive du droit des souverainetés nationales. Nous concevons qu’elle ne trouve point partout la même faveur en Europe ; mais le pire encore serait de mêler un peu de la politique de la sainte-alliance et un peu de la politique de non-intervention, de pratiquer la seconde avec l’esprit de la première, de dire à des gouvernemens investis de la plus grande autorité : Vous êtes des gouvernemens, mais non pas des gouvernemens comme nous ; nous serons amis, mais politiquement, avec les différences que comportent les traditions et les circonstances. À tout cela, il nous semble, il serait trop aisé de répondre, et il serait encore plus facile d’opposer à des questions secondaires ce besoin universel de paix, garantie de la sécurité sociale et de cet immense développement d’intérêts qui suit aujourd’hui son cours en Europe. Qu’on se souvienne qu’après 1830 il fallut dans le régime nouveau la plus rare longanimité et l’amour profond de la paix qu’il nourrissait, pour ne point céder parfois à des susceptibilités légitimes, qui l’eussent infailliblement popularisé. L’exemple est assez récent, il a même porté ses fruits, assure-t-on, quand il n’était plus temps, il est vrai, pour le régime de 1830 de recueillir les témoignages de ces dispositions nouvelles ; mais l’expérience n’est point perdue sans doute. Nous sommes bien convaincus aujourd’hui que tout le monde en Europe désire la paix, — une paix honorable, intelligente, protectrice de tous les intérêts. En ce qui touche le gouvernement français, il ne faudrait pour preuve que le soin qu’il met à constater les faveurs dont sont l’objet de la part de leurs cabinets les ministres accrédités auprès de lui par les puissances étrangères et les témoignages qu’il n’a cessé de multiplier. Il est assez difficile souvent de pénétrer le mystérieux travail des chancelleries ; mais au fond, leur secret, nous le connaissons : il ne peut être autre chose que le vœu universel des peuples, qui aspirent au calme, au repos et au développement tranquille de leur génie et de leur activité.

C’est donc une question vidée maintenant en fait et en principe que cette reconnaissance de l’empire par les principaux états de l’Europe continentale. Au fond, ce qui reste, c’est le résultat ; et en même temps que le régime nouveau, par cet acte diplomatique, prenait définitivement aux yeux du monde le caractère d’un gouvernement régulièrement reconnu, il achevait de s’organiser à l’intérieur. Un décret du 31 décembre venait compléter le sénatus-