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et évite tout ce qui pourrait ressembler à une victoire de parti ou à une vengeance. Si de toutes les vicissitudes du Panthéon il peut ressortir des lumières pour tous les esprits réfléchis, n’en ressort-il point aussi pour la religion elle-même ? Mgr l’archevêque de Paris, à l’inauguration de Sainte-Geneviève, rappelant une des phases de l’histoire de ce monument sous la restauration, ajoutait qu’en 1830 il avait porté le poids d’une funeste solidarité politique. Cela est vrai, et c’est un motif de plus pour la religion de rester elle-même. Si elle ne doit jamais participer aux passions du moment, encore moins doit-elle aller réveiller des passions rétrospectives. — Hommes et gouvernemens, et même membres de l’église nous avons tous traversé des années où on n’a pas toujours fait tout ce qu’on aurait voulu faire, et où on n’a pu toujours éviter tout ce qu’on n’approuvait pas. Il faut bien se sentir soi-même sans péché pour jeter la pierre à d’autres. Nous soumettrions volontiers une considération à Mgr l’archevêque de Paris : après quinze ans de faveur sans limite et d’identification presque complète avec l’autorité politique sous la restauration, la religion s’est trouvée haïe, suspectée et menacée ; après dix-huit ans de persécutions et d’injures, comme on ne craint pas de le dire, la religion s’est trouvée populaire, honorée et invoquée, en possession de toutes ses forces pour aider au salut de la société. Il faut bien que sous ce régime il y eût quelque chose qui ne fût point entièrement défavorable au progrès de l’influence religieuse. Quoi qu’il en soit, la restitution du Panthéon au culte chrétien est très certainement un des signes les plus caractéristiques de notre temps, un des symptômes palpables des tendances qui renaissent à l’issue des révolutions. C’est un des faits qui marquent le mieux ce que nous appelions la situation de la France vis-à-vis d’elle-même, du moins dans cet ordre d’intérêts moraux et religieux. Il y a longtemps que le nouveau gouvernement a reçu de l’église ses lettres de reconnaissance.

Dans une sphère d’intérêts plus temporels, dans les rapports de la France avec les autres nations, où en est cependant aujourd’hui cette question de la reconnaissance des nouvelles institutions impériales ? Il y a eu, comme on sait, les gouvernemens qui ont reconnu tout d’abord l’empire ; et il y a eu ceux qui ont pris le temps pour méditer leur acquiescement. L’Angleterre, l’Espagne, Naples, la Belgique, sont au nombre des premiers ; la Russie, la Prusse, l’Autriche, sont au nombre des seconds. C’est à une date assez récente que les ministres de ces dernières puissances ont remis leurs lettres de créance. Serait-ce soulever indiscrètement le voile de dire que tout a bien pu ne point se passer sans commentaires, sans négociations épineuses, et surtout sans rumeurs au dehors ? Quand il en serait ainsi, où donc serait le sujet de surprise ? Évidemment les transformations politiques d’un pays comme la France ne s’accomplissent pas sans soulever des questions qui touchent à plus d’un intérêt. Seulement ceux qui résoudront ces questions dans un esprit supérieur de conciliation et de prudence, ceux-là auront infailliblement raison devant la civilisation, devant le monde, devant les peuples mêmes qu’ils sont appelés à diriger. Par la rapidité de ses évolutions, par la brusquerie de ses métamorphoses, la France sans doute est un pays avec lequel il n’est point toujours facile de vivre : elle étonne assez souvent et déconcerte encore plus ; elle multiplie peut-être les embarras en multipliant pour les gouverne-