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abus d’administration qu’il combattait et dans l’action permanente de la majorité dite royaliste, il voyait un danger continu pour les intérêt de révolution et de liberté, et il aimait, comme les hommes populaires de ce temps, à s’appuyer contre cette crainte des manifestations extérieures de la jeunesse, des journaux, de la littérature, de tout ce qu’on appelait alors l’opinion politique. Il sortit donc de la Sorbonne singulièrement satisfait et flatté de cette ovation accidentelle que quinze cents jeunes gens, destinés pour la plupart à recruter les professions savantes de la société, avaient improvisée pour lui autour d’une chaire qui, toute scolastique et innocente qu’elle était, leur paraissait, en quelque sorte, faire partie des habitudes légales et des mœurs nouvelles de la France.

Mais, aux yeux de certaines personnes importantes, les choses ne pouvaient se passer ainsi. On fit grand bruit de cette séance, et du fanatisme littéraire et politique de la jeunesse pour le général Foy.

Quelques esprits extrêmes voulaient la suppression immédiate du cours; d’autres, l’interdiction future des cours publics à toute personne étrangère aux études; d’autres, le changement du professeur. L’affaire fut discutée à fond; mais d’après le décret du 17 mars 1808 et même une ordonnance de 1815, les professeurs étaient alors réputés inamovibles, et de plus le ministre de l’instruction publique et des cultes était un homme considérable, un évêque d’un caractère grave et doux, célèbre pour avoir lui-même parlé en public avec mesure et dignité dans des jours de défiante oppression. Il écouta peu les plaintes et les exclamations des personnes zélées, et il se contenta de répondre que « le professeur d’éloquence française aurait mal fait son devoir, si les jeunes gens qui l’écoutaient, et qu’on ne pouvait pas empêcher de lire les journaux monarchiques et libéraux, n’avaient pas pris un goût très vif pour la parole brillante du général Foy. » Le mot scandalisa certains politiques qui se plaignirent de la faiblesse de M. l’évêque d’Hermopolis, et insinuèrent avec tristesse qu’il était d’ailleurs malheureusement un peu gallican; mais on lui en sut gré dans la minorité de la chambre des députés, et à la discussion, très longue alors, du budget, lorsque vint le chapitre jusque-là très attaqué du ministère de l’instruction publique et des cultes, M. Casimir Périer, un des rares adversaires que l’opposition fort réduite pouvait mettre en campagne contre le ministère, combattit le prélat-ministre avec une expression particulière d’égards et une courtoisie vraiment édifiante, où la majorité vit avec satisfaction un signe du progrès religieux.

Cependant, dès les premiers jours, le général Foy, un peu grondé par M. Royer-Collard sur l’explosion inévitable de ses visites en Sorbonne, et se la reprochant lui-même avec cette chaleur de