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Rochefort, etc. Elles alimentent encore sur les lieux mêmes plusieurs industries métallurgiques; leur prospérité intéresse ainsi un personnel nombreux dans le district de Saint-Etienne.

Quand on monte jusqu’au plateau sur lequel est située cette dernière ville, sous un ciel froid et neigeux, on croirait au premier abord qu’elle est condamnée par sa position à un éternel isolement. On a vu pourtant qu’elle avait été mise en rapide communication avec deux grandes voies fluviales, qui lui permettent de diriger ses produits soit vers l’Océan, soit vers la Méditerranée. C’est que la Providence avait enfoui sous les montagnes de cette région une matière qui vivifie l’industrie moderne, et que cette matière nécessite d’immenses moyens de transport. Le voisinage de la houille profite d’abord à diverses fabrications de Saint-Etienne, telles que la quincaillerie et la fabrique d’armes, qui date de François Ier, et qui comprend, en dehors d’un bel établissement placé sous la direction de l’état, un grand nombre de petits ateliers particuliers. La plus importante des industries stéphanoises, celle des rubans, tire elle-même un avantage de la richesse minérale du pays; elle lui doit la facilité des communications créées pour le transport de la houille. La rubanerie du Forez a le monde entier pour marché, et bien qu’elle rencontre aujourd’hui au dehors, notamment à Zurich en Suisse, une concurrence redoutable pour certains articles, bien qu’on lui ait enlevé quelques-uns de ses plus habiles ouvriers, elle reste toujours incomparablement supérieure à ses jalouses rivales pour le bon goût et pour l’élégance des produits. L’opulente ville de Saint-Etienne, dont la fondation semble dater du Xe siècle, n’est réellement sortie de son obscurité que dans l’ère industrielle où nous vivons. Singulier effet des situations! tandis que la cité des montagnes prenait un prodigieux accroissement, l’ancienne capitale du Forez, Feurs, qui devait regarder autrefois avec dédain, des rives de la Loire où elle est bâtie, la bourgade juchée sur des hauteurs inaccessibles, est tombée de son rang politique dans une insignifiance absolue. Autre circonstance digne d’être remarquée, voilà une place enrichie surtout par une industrie de luxe, dans laquelle le goût exerce le principal rôle : eh bien ! en dehors de sa fabrication spéciale, elle ne laisse pas percer le moindre sentiment de l’art. Les beaux-arts fuient cette ville enfumée, mal pavée, à l’aspect monotone et triste, où la domination appartient exclusivement à l’esprit d’industrie, qui s’y montre infatigable et éminemment habile dans sa sphère, mais toujours replié sur lui-même.

Dans ce pays, où tout est de création récente, le développement donné à l’exploitation de la richesse minérale du sol remonte à peine au-delà d’une trentaine d’années. Les extractions de la houille, qui ont dépassé 15 millions de quintaux métriques en 1847, n’arrivaient