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C’est sous le rapport de l’instruction que l’avantage des États-Unis sur le Canada est peut-être le plus considérable. Les puritains de la Nouvelle-Angleterre, malgré leur fanatisme intolérant et persécuteur, furent conduits par le principe protestant, qui fait à tout chrétien une loi de lire la Bible et d’y puiser directement sa foi, à établir des écoles, « le principal objet de Satan, disaient-ils, étant d’empêcher les hommes de connaître l’Écriture, en les détournant de l’étude des langues, à cette fin que l’instruction ne soit pas enfouie dans les tombeaux de nos pères….. » Après ce considérant, dans lequel le diable joue le premier rôle, viennent des dispositions qui établissent des écoles dans chaque district sous peine de grosse amende. On était loin du principe volontaire, mais enfin on fondait des écoles ; par un motif ou par un autre, on apprenait à lire à tout le monde. Au Canada, le clergé catholique a beaucoup fait pour l’instruction. Les séminaires de Québec et de Montréal, les jésuites, les récollets, ont contribué largement à cette œuvre. J’ai trouvé dans le séminaire de Québec[1] un cabinet de physique très complet. J’ai reconnu notamment les appareils électro-magnétiques inventés par mon père. J’ai vu un vieux prêtre, autrefois professeur de physique, tout ému par la présence du fils de celui dont il avait longtemps exposé les découvertes.

Tout cela montre combien le clergé canadien est éclairé, combien il a soin de se tenir au courant des progrès de la science européenne. Avec la meilleure volonté du monde pourtant, il était impossible à ce clergé de répandre les bienfaits de l’instruction parmi des populations disséminées sur un si vaste espace. Ces populations avaient aussi sur ce point, il faut le dire, des sentimens bien différens de ceux que manifestent généralement les citoyens des États-Unis. Parmi eux, un des premiers soins des communes qui se forment sur un terrain défriché d’hier est d’organiser des écoles[2] ; mais au Canada, quand, il y a quelques années, la législature a décrété l’établissement d’écoles paroissiales, les habitans ont accueilli cette fondation avec peu d’empressement. l’on avait voté pour cet objet une somme considérable, et l’on voulait appliquer le principe américain d’une contribution des communes égale à la somme donnée par l’état ; mais les communes très souvent nommaient des commissaires à condition qu’ils ne feraient rien, et, quand ils voulaient faire quelque chose, ils couraient risque

  1. La chapelle du séminaire contient quelques tableaux de Lagrenée, de Vanloo, de Parrocel, et trois attribués à Philippe de Champagne. Les collections de tableaux sont si rares aux États-Unis, que celle de Québec est probablement la plus considérable qui existe dans toute l’Amérique septentrionale.
  2. Cet empressement n’est cependant pas universel. En 1834, la législature de Pensylvanie publia un acte pour un système général d’écoles dans l’état. Il y eut dans Philadelphie 2,084 pétitions pour, et 2,576 contre. Parmi les derniers pétitionnaires, 66 ne savaient pas signer leur nom. (American Almanach, 1836, p. 349.)