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Voilà comment les choses se sont passées. Voici maintenant ce que j’ai lu dans un journal qui rendait compte de ce banquet : « L’aspect de la vaste assemblée, quand les tables turent garnies, était frappant au-delà de toute expression. Il y avait là une Méditerranée de fraternité humaine sous un firmament de drapeaux, et dans cette mer il y avait des célébrités innombrables des deux hémisphères. »

Le soir, on a illuminé, c’est-à-dire la ville et les particuliers ont illuminé. Le vieux Faneuil-Hall, ce bâtiment à forme antique, aux nombreuses fenêtres garnies aujourd’hui de lampions, dessinait sa forme singulière sur le ciel. Le Capitole était dans une obscurité complète, car l’état de Massachusets n’est pour rien dans la fête de Boston. Il n’y avait point de feu d’artifice officiel, mais chacun pouvait en toute liberté tirer des pétards devant sa porte et lancer des fusées par sa fenêtre. Des particuliers se sont établis au milieu de la promenade publique, et y ont organisé sur le gazon, très sec en ce moment, un tir de soleils et de chandelles romaines qui a duré jusqu’à minuit. Le principe volontaire qui préside aux associations religieuses et à une foule d’établissemens utiles préside aussi aux divertissemens publics; le gouvernement n’intervient ni pour les donner au peuple, ni pour empêcher le peuple de les prendre; en toute chose, la nation fait ses affaires, et même quelquefois la besogne du gouvernement. Ici, comme en Angleterre, les mœurs surveillent les mœurs. Si l’on met en vente un mauvais livre ou une gravure indécente, on s’expose à un procès de la part de la société pour la suppression du vice. Les citoyens font la police et maintiennent le bon ordre. L’autre jour, un meurtre a été commis; quatre cents personnes se sont mises à la poursuite du coupable. Naguère, au sujet d’un acteur, il y a eu à New-York un commencement d’émeute; la milice est arrivée, a tiré et a tué trente ou quarante personnes, ce que tout le monde a fort approuvé. C’est toujours le même principe : l’ordre par la liberté,


Lowell, 20 septembre.

A quelques lieues de Boston est la petite ville de Lowell, célèbre par ses manufactures et surtout par la moralité et la culture intellectuelle de ses ouvrières. Lowell, qui date de 1821, compte maintenant plus de 30,000 âmes. Les ouvrières employées dans les manufactures sont au nombre de 9,000, et les ouvriers au nombre de 4,000; c’est presque la moitié de la population. Les principales industries de Lowell sont la teinture et la fabrication des étoiles de coton. Ce qu’on fabrique de celles-ci à Lowell dans une année pourrait former une bande de 1 mètre de largeur qui ferait deux fois le tour du globe. On produit d’une telle bande d’étoffe une longueur de