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peut en envoyer trois au marché dans le temps qui lui était autrefois nécessaire pour en produire un, et s’ils n’ont pas plus de hauteur, ils sont plus larges, plus ronds, plus développés dans les parties qui donnent le plus de chair, ils n’ont que les os absolument nécessaires pour les supporter, et presque tout leur poids est en viande nette.

L’Angleterre fut émerveillée quand les résultats annoncés par Bakewell furent définitivement acquis. Le créateur de la nouvelle race, qui, comme tout bon Anglais, tenait avant tout au profit, tira largement parti de l’émulation que sa découverte excita. Comme tout le monde voulait avoir du sang Dishley, Bakewell imagina de louer ses béliers au lieu de les vendre ; les premiers qu’il loua ne lui rapportèrent que 22 francs par tête, c’était en 1760, et sa race n’était pas encore arrivée à sa perfection ; mais à mesure qu’il fit de nouveaux progrès et que la réputation de son troupeau s’accrut, ses prix s’élevèrent rapidement, et en 1789, une société s’étant formée pour la propagation de sa race, il lui loua ses béliers pour une saison, au prix énorme de 6,000 guinées (plus de 150,000 fr.). On a calculé que, dans les années qui suivirent, les fermiers du centre de l’Angleterre dépensèrent jusqu’à 100,000 livres par an (2,500,000 fr.) en location de béliers; Bakewell, malgré tous ses efforts pour garder le monopole, n’était plus le seul qui louât des reproducteurs, cette industrie s’était répandue autour de lui, et plusieurs troupeaux s’étaient formés sur le modèle du sien.

La richesse dont Bakewell a doté son pays est incalculable ; s’il était possible de supputer ce que la seule race de Dishley a rapporté aux cultivateurs anglais depuis quatre-vingts ans, on arriverait à des résultats prodigieux.

Mais ce n’est pas tout. Bakewell n’a pas seulement créé une espèce particulière de moutons qui réalise le maximum de précocité et de rendement qu’il paraît possible d’atteindre, il a encore indiqué, par son exemple, les moyens de perfectionner les races indigènes placées dans d’autres conditions. Les purs Dishley ne peuvent pas se répandre uniformément partout; originaires de plaines basses, humides et fertiles, ils ne réussissent parfaitement que dans les contrées analogues; c’est une race tout à fait artificielle, conséquemment délicate, un peu maladive, chez qui la précocité n’est qu’une disposition à une vieillesse prématurée, et qui, par sa conformation même, est incapable d’effort; il lui faut, avec un climat froid et une nourriture abondante, un repos à peu près absolu et des soins continuels, qu’elle paie ensuite avec usure, il est vrai, mais qu’il n’est pas toujours possible de lui donner.

On peut diviser le sol anglais, comme tous les pays possibles, en trois parties : les plaines, les coteaux, et les montagnes. Le Dishley