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mesure qu’on descend dans les plaines, la supériorité devient de plus en plus frappante, malgré les avantages naturels qui ont fait donner à l’Irlande ce surnom poétique : la plus belle fleur de la terre et la plus belle perle de la mer.

La plaine qui s’étend de Dublin à la baie de Galway, dans toute la largeur de l’Irlande, et qui fait l’orgueil de cette île, est dépassée en richesse comme en étendue par la magnifique vallée de la Garonne, un des plus beaux pays de culture de la terre. La vallée d’or, golden vale, dont se vante Limerick, les pâturages des bords du Shannon, les terres profondes si favorables à la production du lin des environs de Belfast, ont sans doute une grande valeur; mais les vignobles du Médoc, les sols du Comtat qui portent la garance, ceux du Languedoc, où le froment et le maïs peuvent se succéder, ceux de la Provence, où mûrissent l’olive et l’orange, valent plus encore. L’Irlande a sur l’Angleterre cet avantage, qu’elle a moins d’argiles, de sables et de craies, et que le sol y est généralement de bonne qualité; mais le midi de la France a sur elle la supériorité de son ciel. Quant aux bogs irlandais, ils n’ont pas leur équivalent dans les landes marécageuses de la Gascogne et de la Camargue, moins impropres qu’eux à la production.

Ainsi notre territoire l’emporte de tous points sur le territoire britannique, non-seulement en étendue, mais en fertilité. Notre région du nord-ouest vaut mieux que l’Angleterre et le pays de Galles, celle du centre et de l’est vaut mieux que l’Ecosse, celle du sud vaut mieux que l’Irlande.

Il y a soixante ans qu’Arthur Young, le grand agronome anglais, a reconnu cette supériorité naturelle de notre sol et de notre climat : q Je viens de passer en revue, dit-il à la fin de son Voyage agronomique en France, de 1787 à 1790, toutes les provinces de France, et je crois ce royaume supérieur à l’Angleterre en fait de sol. La proportion de mauvaises terres qui se trouvent en Angleterre, par rapport à la totalité du territoire, est plus grande qu’en France; il n’y a nulle part cette prodigieuse quantité de sable sec qu’on trouve dans les comtés de Norfolk et de Suffolk. Les marais, bruyères et landes, qui sont si communs en Bretagne, en Anjou, dans le Maine et dans la Guienne, sont beaucoup meilleurs que les nôtres. Les montagnes d’Ecosse et du pays de Galles ne sont pas comparables, en fait de sol, à celles des Pyrénées, de l’Auvergne, du Dauphiné, de la Provence et du Languedoc. Quant aux sols argileux, ils ne sont nulle part aussi tenaces qu’en Angleterre, et je n’ai pas rencontré en France d’argile semblable à celle de Sussex. » Plus tard, en parlant de climat, le célèbre agronome anglais rend le même hommage au ciel de la France : Nous savons tirer parti de notre climat, dit-il avec