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contente d’observer que la prérogative royale ne doit rien perdre au nouveau projet, puisque, dans l’état présent des choses, ni les directeurs, ni le gouverneur-général, ni son conseil institué par l’acte de 1773, ne sont à la nomination de la couronne.


« J’ai parlé du bill, dit Burke sn finissant; que je dise maintenant un mot de son auteur. Je devrais l’abandonner à ses nobles sentimens, si l’indigne et illibéral langage employé contre lui par de la tout exemple de la liberté parlementaire ne rendait quelques paroles nécessaires, moins pour donner satisfaction à lui qu’à mes propres affections. Il faut donc que je dise que ce sera une honorable distinction pour notre âge que la délivrance du plus grand nombre d’êtres de la race humaine, qui ait jamais été aussi lourdement opprimé par la plus grande tyrannie qui ait existé jamais, soit échue en partage à des talens et à des sentimens égaux à la grandeur de la tâche; que l’œuvre soit échue à un homme qui possède l’étendue d’esprit pour concevoir, le courage pour entreprendre, l’éloquence pour soutenir une si grande me sure de hasardeuse générosité. Son courage ne saurait être attribué à l’ignorance de l’état des hommes et des choses. Il sait bien quels pièges sont semés sur son chemin et par l’animosité personnelle, et par des intrigues de cour, et peut-être par l’illusion populaire; mais il a risqué son repos, sa sécurité, son intérêt, son pouvoir, même sa popularité chérie, pour le bien d’un peuple qu’il n’a jamais vu. C’est la route qu’ont avant lui prise tous les héros. On l’accuse, on l’outrage pour les motifs qu’on lui suppose. Il se souviendra que la calomnie entre comme élément nécessaire dans toute véritable gloire; il se souviendra que non-seulement c’était l’usage des Romains, mais qu’il est dans la nature et la constitution des choses que la diffamation et l’injure soient des parties essentielles d’un triomphe. Ces pensées soutiendront une âme qui ne vit que pour l’honneur, sous le poids d’accusations passagères; car il travaille à faire un grand bien, un bien comme il s’en rencontre rarement et dans la destinée d’un homme et en même temps dans ses désirs, chose presque aussi rare. Qu’il emploie sa journée, qu’il lâche les rênes à la bienveillance de son cœur. Il est maintenant sur une hauteur où le vont chercher les regards du genre humain. Il peut vivre longtemps, il peut beaucoup faire; mais il a atteint le sommet : jamais il ne pourra s’élever au-dessus de ce qu’il fait aujourd’hui.

« Il a des défauts, mais ce sont des défauts qui, bien qu’ils puissent ternir son éclat et quelquefois entraver la marche de ses talens, n’ont rien par eux-mêmes qui puisse éteindre le feu des grandes vertus. Dans ces défauts, pas un atome de tromperie, d’hypocrisie, nul orgueil, nulle arrogance, nul despotisme de tempérament, nulle insensibilité aux maux de l’humanité. Il a les défauts qui pourraient se retrouver dans un descendant du Henri IV de la France, comme ils se rencontraient dans ce père de son pays. Henri IV souhaitait vivre assez pour voir une poule dans le pot de chaque paysan de son royaume. Ce sentiment de bonté familière vaut tous les mots brillans que l’on rapporte de lui. Mais il désirait peut-être plus qu’il ne pouvait accomplir, et la générosité de l’homme dépassait le pouvoir du monarque. Mais celui dont je parle, lui, un sujet, peut au moins dire dans ce jour avec vérité qu’il