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confiait à Londres le haut gouvernement de ses possessions à sept commissaires nommés dans l’acte pour quatre ans, et dont le chef devait être le comte Fitzwilliam. Auprès de ce bureau, neuf directeurs assistans, choisis parmi les actionnaires, auraient été chargés seulement des affaires du commerce. Les vacances dans le bureau supérieur auraient été remplies par nomination royale. C’était toute une révolution, surtout dans la Cité. On conçoit quelle y devait être la puissance de la compagnie des Indes, et avec quelle énergie elle dut résister au projet qui la détrônait. Elle employa tous les moyens, fit jouer tous les ressorts, ameuta l’opinion. Son patronage, ce qui veut dire en bon anglais la quantité de places qu’elle avait à donner, était l’instrument d’une influence qu’elle exploitait dans son intérêt, et qu’elle prêtait clandestinement à la cour et à son parti. Tout cela allait être régularisé, soumis à la publicité et livré à un pouvoir officiel, plus dépendant du parlement que de la couronne. L’état se ressaisissait d’un empire qu’il n’aurait dû jamais abandonner; mais l’état était représenté par l’administration actuelle, qui allait recueillir l’honneur et la force attachés à cette grande innovation. Il se forma donc une masse redoutable d’opposans au bill de Fox, qui dut y suspendre son existence ministérielle. Les membres du dernier cabinet ne pouvaient laisser échapper une si belle occasion de revanche. Pitt surtout, avec une habileté qui ressemblait fort à l’intrigue, et que Burke à toutes les époques lui a sévèrement reprochée, se mit à la tête de tous les mécontens. Intérêts, abus, préjugés, il souleva tout contre une réforme qu’il savait nécessaire. Lui aussi, il fit sa coalition. Il épousa jusqu’aux griefs de la cour, et les éleva à la hauteur d’un scrupule constitutionnel. On soutenait, en effet, avec une apparence de raison, que la nomination législative d’un comité ou bureau administratif était une atteinte à la prérogative royale, et sans aucun doute le principe de la responsabilité aurait dû ramener plus immédiatement au pouvoir exécutif la direction d’une nature d’affaires qui étaient en elles-mêmes du ressort du gouvernement général. Cette considération fut développée avec autant de force qu’un chef d’accusation. Fox se vit personnellement attaqué avec une violence inouïe. Tous les ressentimens suscités par la coalition éclatèrent sous cette forme. Burke ne fit pas défaut dans la lutte. Son discours, fort travaillé et très étendu, suivant son usage, est presque en entier consacré à l’exposition des torts de la compagnie. Mille faits curieux de l’histoire de l’Inde et des débuts de l’administration de Hastings sont vivement retracés, et il en ressort l’urgence d’une réforme profonde. Toutes les objections sont imputées à des intérêts occultes, à des intrigues de courtisans. L’objection constitutionnelle elle-même n’est pas prise fort au sérieux, et Burke se