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surtout nous paraît peu excusable; sans doute il avait pris la tête de l’opposition, mais il y avait présomption ou négligence à ne pas entrer au pouvoir mieux accompagné. D’ailleurs sa place de leader de la chambre des communes était si bien marquée, que Burke lui-même ne la lui eût pas disputée, et pour Fox aucune rivalité n’était à craindre.

On sait, au reste, que cette administration ne dura qu’un moment. Une mort soudaine lui enleva son chef. De tous ceux qui pouvaient aspirer à sa succession, le secrétaire d’état des affaires étrangères, lord Shelburne, parut presque aussitôt appelé à la recueillir. C’est lui qui est mort avec le titre de marquis de Lansdowne, et ce nom réveille aujourd’hui de tels sentimens de respect et d’affection, que l’on a peine à concevoir que celui qui l’a porté le premier inspirât la défiance et l’antipathie. Il est certain cependant que lord Shelburne, qui avait de l’esprit, de l’expérience, des opinions libérales et philosophiques, qui a fourni dans les affaires une carrière honorable et joui d’une sorte de faveur dans la société française, était un des hommes avec qui l’association dans le pouvoir rencontrait le plus de difficultés et de répugnances. Fox, qui proposait le duc de Portland pour la première place, déclara qu’il ne restait pas si son collègue Shelburne l’obtenait, et il se retira. Burke le suivit, on a même dit que cette scission était principalement son ouvrage. Quoi qu’il en soit, elle fut peut-être un grand événement; elle sépara Fox de Pitt, qui resta du côté du ministère et y entra même comme chancelier de l’échiquier. Qui sait quelle influence exerça cette séparation sur les destinées de la Grande-Bretagne ?

Dès le mois de juillet, Burke attaqua vivement lord Shelburne, en défendant la démission de Fox, et tous deux réunis mirent le cabinet en minorité (février 1783). Pitt fut député à Fox pour négocier un rapprochement; mais il fallait accepter la primauté de Shelburne. Inflexible sur ce point, Fox se condamnait à l’impuissance dans sa victoire, s’il ne se donnait des alliés. Le ministère conservait dans ses rangs une partie de l’ancienne opposition. Il avait pour ennemis naturels lord North et ses amis, encore nombreux. Fox ne voulait pas se réconcilier avec Shelburne; il ne pouvait détacher Pitt; une seule alliance lui restait, celle de North. Il osa s’y résoudre et fit le ministère de la coalition. Le duc de Portland en était le chef; North, secrétaire d’état pour l’intérieur; Fox, pour les affaires étrangères; Burke redevint payeur général.

A peine sorti du gouvernement, Pitt proposa la réforme parlementaire et le rencontra pour antagoniste. Cette question fameuse, qui avait commencé à s’agiter dans les premières années de l’administration de lord North, n’était pas encore devenue une permanente question de cabinet, ni, en des sens divers, le mot de ralliement des