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diffère qu’en un point de la lumière de l’Italie et de la Grèce : elle a quelque chose de sec et de dur, tandis que, dans ces pays favorisés, la lumière est à la fois vive et moelleuse. En ce pays, tout est, comme l’homme, énergique et décidé ; il semble qu’il n’y ait place nulle part pour la mollesse et la grâce.

J’ai été aujourd’hui entendre un prédicateur unitairien qui a de la réputation, le docteur Walker. Il est assez remarquable que dans Boston, qui fut longtemps le foyer du calvinisme le plus rigide, où régnaient avec le plus d’empire les doctrines de la nécessité absolue de la grâce et de l’impuissance radicale de la volonté humaine à faire le bien, la secte qui est aujourd’hui en progrès, qui rallie chaque jour davantage la portion la plus éclairée de la société, soit la moins mystique, la plus rationaliste des sectes chrétiennes, l’unitairianisme. On nomme unitairiens tous ceux qui rejettent le dogme de la Trinité. Leur croyance est donc une sorte d’arianisme inclinant au déisme. Ce changement est évidemment le produit d’une réaction. Les indépendans, qui furent les premiers colons de la Nouvelle-Angleterre et jetèrent les fortes bases de la nationalité future des États-Unis, étaient croyans jusqu’à la férocité. Tandis que les catholiques, à Baltimore, et Roger William, à Providence, donnaient, avant Penn, l’exemple de la tolérance, les puritains de Boston condamnaient cette tolérance comme un crime ; tout en protestant de leur attachement à leur mère l’église épiscopale d’Angleterre, ils ne permettaient pas qu’on reconnût l’autorité de cette église, et se vengeaient des persécutions qu’on leur avait fait subir en brûlant des sorcières et en pendant des quakeresses. La tyrannie qu’ils imposaient à la communauté, au nom de la religion, fut poussée par eux jusqu’au plus minutieux et au plus ridicule despotisme ; il n’était pas permis d’avoir des cheveux longs et de porter perruque. Les femmes ne pouvaient porter des manches courtes ou ayant plus d’une demi-aune de largeur dans l’endroit le plus large. Il était défendu, sous peine du fouet, d’embrasser sa femme dans la rue, et aux mères d’embrasser leurs enfans le dimanche. Il ne fallait pas préparer la bière le samedi, de peur qu’elle ne travaillât pendant le jour du sabbat. La Bible était le code de cette société, et, la Bible à la main, on mettait à mort la femme adultère, oubliant le pardon du Christ. Deux théologiens signèrent une déclaration par laquelle ils approuvaient qu’on ôtât la vie à l’enfant d’un chef indien vaincu et tué par les puritains, parce que la race de l’impie devait être exterminée.

La doctrine théologique de ces sectaires impitoyables anéantissait le libre arbitre, elle niait que l’homme fût capable de faire et même de désirer le bien. Leurs docteurs les plus célèbres, Jonathan Edwards et Hopkins, en vinrent à affirmer que le péché, là où il se rencontre,