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Dodstey, une publication périodique, dont l’idée était heureuse, et dont l’existence a contribué à répandre utilement en Angleterre, la connaissance des faits de l’histoire contemporaine. On doit à Burke l’Annual Register. On sait que ce recueil, qui paraît tous les ans, rend compte des événemens écoulés dans l’intervalle d’un volume à l’autre, et donne les documens qui servent à les éclaircir. Les trois ou quatre premiers volumes passent pour être en grande partie de la main de Burke, et en tout temps il continua de s’intéresser à l’ouvrage et d’y contribuer quelquefois. Cette histoire annuelle du monde se publie tantôt depuis un siècle, et forme une collection d’un grand prix. Nulle composition n’était plus propre à former un homme public. On ne peut trop bien savoir les faits, quand on veut diriger les hommes.

Cependant sa situation restait précaire. L’agrément de son commerce multipliait ses relations. George, lord Lyttleton, dont les ouvrages historiques sont encore estimés, Fitzherbert, un membre du parlement qui aimait les lettres, Pulteney, comte de Bath, dès longtemps hors de la politique, cité pour sa conversation piquante, Anne Pitt, la sœur du grand Pitt, et dont Burke admirait l’esprit très original. Hume, qui lui fit connaître Adam Smith, et dont il trouvait l’histoire trop peu libérale et la philosophie trop peu religieuse, goûtaient tous son entretien, louaient son esprit, mais n’aidaient point à sa fortune. Heureusement dans le nombre de ses amis était son compatriote lord Charlemont, dont il parla toujours avec l’enthousiasme de la reconnaissance. C’est ce seigneur, l’ami de Montesquieu, le généreux défenseur de l’Irlande, qui présenta Burke à Gerrard Hamilton, nommé principal secrétaire du lord-lieutenant de cette île, quand en 1761 ce gouvernement fut donné à lord Halifax.

Hamilton avait débuté avec beaucoup d’éclat à la chambre des communes. On raconte que son premier discours parut si beau, qu’il désespéra de l’égaler et ne parla plus. Aussi l’appelait-on Hamilton au seul discours, singlespeech. La vérité est qu’il parla rarement, parce qu’il apprenait par cœur des discours écrits, et qu’ayant quitté la chambre des communes pour l’Irlande, il sembla renoncer, en Angleterre du moins, aux succès parlementaires. L’union n’était pas alors établie par la loi entre les deux îles. Le principal secrétaire accompagnait le lord-lieutenant, dont il était comme le ministre dans le parlement de Dublin. Burke partit avec Hamilton sur le pied mal défini de secrétaire, de conseil et d’ami. Dans cette position ambiguë, un collaborateur de cette vigueur d’esprit dut prendre une grande part au gouvernement de son pays ; mais cette part est restée secrète. On sait seulement que ses services lui valurent la