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ordinaires d’un Anglais de race, mais plutôt les signes distinctifs d’une riche nature irlandaise. A diverses reprises, on l’a même soupçonné de dissimuler des croyances catholiques pour lui, pour sa famille, pour sa femme, ainsi que les souvenirs d’une éducation reçue chez les jésuites à Saint-Omer. Aucun fait réel ne justifiait ce soupçon; il est vrai seulement qu’il soutint constamment les intérêts ou plutôt les droits des catholiques irlandais, et que la naissance seule l’avait fait protestant. Il était fidèle au culte de ses pères plutôt qu’à l’esprit du protestantisme, et peut-être eût-il été plus à l’aise dans la foi catholique s’il y fût né, car il était de ceux qui reconnaissent la vérité à l’antiquité; mais la foi anglicane était pour lui la tradition; elle faisait partie de ces institutions nationales, toutes sacrées à ses yeux. Il faut même le louer de ne s’y être pas attaché jusqu’à l’intolérance, car ce qui le caractérisait, c’était d’unir les idées d’un Anglais de 1688 au génie d’un Irlandais.

Né le 12 janvier 1728, d’une famille qui, malgré une différence d’orthographe, est la même que celle de Bourke ou Burgh, race normande établie depuis longtemps dans le Galway, Burke avait une sœur et deux frères qui n’étaient pas sans mérite. L’aîné demeura à Dublin, simple attorney comme son père, et Richard, le troisième, suivit Edmund de loin dans la carrière des lettres et de la politique. La faiblesse de sa santé détermina son père à le faire élever à la campagne, et, d’une école de village à Castletown-Roche, il passa, avec ses frères, à une école de Dublin, puis à l’Académie de Ballitore, collège estimé dans le comté de Kildare et dirigé par le chef d’une famille du nom de Shackleton. C’étaient des quakers, et près d’eux sans doute Burke enfant contracta la simplicité de goûts et même une certaine sévérité de mœurs qui ne l’abandonna jamais. Il ne cessa de porter aux quakers une bienveillance qu’il accordait rarement aux autres sectes dissidentes. Le fils du principal du collège, Richard Shackleton, demeura pendant plus de cinquante ans, et jusqu’à sa mort, l’ami de celui dont il avait été le camarade d’études. Les longues amitiés sont aussi respectables que des vertus.

Le jeune Burke était un écolier plus remarquable par sa facilité, sa mémoire, son ardeur à s’instruire, que par des talens, précoces. On remarquait l’indépendance de ses penchans et son goût pour le genre de domination qui s’obtient en enseignant aux autres ce qu’ils ignorent. On a de lui des lettres de 1744 adressées à son ami Shackleton ; l’une contient des vers descriptifs passables pour un écolier; l’autre exprime des sentimens vivement chrétiens, un peu quakers. Il avait seize ans; c’est l’âge où il entra à Trinity Collège, de l’université de Dublin. Il s’y distingua bientôt assez pour gagner successivement, avec plus de travail que d’éclat, tous les grades académiques.