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Pesaro, ce sont Hérold et M. Auber. On le voit donc, le genre prétendu national de l’opéra comique a constamment subi les influences de la musique italienne depuis le milieu du XVIIIe siècle jusqu’à nos jours.

M. Auber est entré assez tard dans la carrière de compositeur dramatique. Homme du monde, brillant cavalier qui se plaisait aux doux loisirs de la vie de dilettante, il avait étudié la musique par goût et s’était même acquis une certaine réputation parmi les artistes, lorsqu’un triste événement de famille le força à tirer parti de ses talens. Élève de Cherubini et disciple de Mozart, M. Auber, après un ou deux essais sans importance, débuta au théâtre de l’Opéra-Comique, en 1820, par la Bergère châtelaine, opéra en trois actes, qui obtint un succès de bon augure. Emma ou la Promesse imprudente, opéra en trois actes, qui fut donné l’année suivante, en 1821, confirma la bonne opinion qu’on avait déjà conçue du nouveau compositeur. La Neige, opéra en trois actes qui fut représenté en 1823, le Concert à la Cour, qui est de l’année 1824, annoncèrent que l’esprit vif de M. Auber avait été touché par la grâce du grand rénovateur de la musique dramatique. Depuis lors l’ingénieux et charmant compositeur n’a cessé de marcher dans la même voie et de produire des ouvrages qui témoignent surabondamment que l’auteur de la Muette de Portici et du Domino noir est bien le fils de Voltaire et de Rossini. Tel est en effet le double caractère de l’œuvre de M. Auber, où l’esprit, la finesse et le sentiment dramatique de l’école française s’allient, dans de justes proportions, au coloris et à la mélodie lumineuse du grand maestro. C’est dans la Muette, grand opéra en cinq actes représenté en 1828, et dans le Domino noir, opéra comique en trois actes qui a vu le jour en 1837, qu’on trouve les qualités les plus saillantes du talent et de la manière de M. Auber. L’Enfant prodigue, grand opéra en cinq actes, et Zerline, opéra en trois actes, qui a été composé pour l’admirable voix de Mme Alboni, loin d’ajouter à la réputation de M. Auber, auraient pu en ternir l’éclat devant un public moins respectueux que le public parisien. M. Auber, qui a trop d’esprit pour confondre la politesse avec le véritable succès, n’a pas voulu rester sous le coup de cette double disgrâce, et voilà pourquoi il vient de reparaître sur le théâtre de sa fortune par un opéra en trois actes, Marco Spada.

L’ouverture débute par un andante d’une harmonie soutenue et remplie de modulations incidentes qui fuient devant l’oreille comme ces vers luisans qu’on aperçoit de loin dans une nuit obscure. M. Auber excelle à vous bercer ainsi dans un flou harmonique qui n’est plus le jour et n’est pas encore la nuit et vous procure tour à tour la sensation de la tonalité majeure et mineure sans que le maître daigne les caractériser par une phrase bien arrêtée. L’allégro, formé d’une tarentelle bien connue, en ramène plusieurs fois le thème d’une manière ingénieuse, et la symphonie se termine par une chaleureuse péroraison qui n’apprend rien de nouveau à ceux qui connaissent les charmantes ouvertures du répertoire de M. Auber. La romance ne grondez pas, qu’Angela chante tout d’abord en croyant s’adresser à son père, dont elle ne peut discerner les traits, puisqu’il fait nuit et qu’elle ignore qu’elle a devant elle le gouverneur de Rome, la marchesa, sa nièce, et le comte Pepinelli, cette romance en deux couplets est agréable et fort bien écrite pour la voix délicate de Mlle Duprez. Le quatuor qui suit, entre les quatre