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a dépassé le but par excès de persévérance, la plupart de ses confrères demeurent en-deçà du but par excès d’indolence. Il suffit donc d’indiquer la faute sans essayer d’en démontrer toutes les conséquences. Toute tradition prise à son origine offre un caractère poétique, et se prête volontiers à toutes les tentatives de l’imagination, peinture, statuaire ou poésie. Expliquée, commentée par les docteurs, philosophes, théologiens, elle se dérobe bientôt à tous les efforts de la fantaisie; à mesure qu’elle devient plus intelligible et plus précise, elle perd une partie de sa splendeur et de sa majesté. On dirait que la discussion, après l’avoir ébranlée, la réduit en poussière, et en effet tous ceux qui ont étudié l’histoire des religions sont en mesure d’affirmer que les croyances ont plus d’une fois succombé sous la défense même des docteurs, qui prétendaient étayer leurs croyances par l’argumentation, et fournissaient trop souvent à leurs adversaires des armes terribles. Au lieu d’affermir le dogme qu’ils défendaient, ils en montraient, sans le savoir, les parties lézardées, et leur apologie aggravait le danger. M. Périn a donc eu tort d’attribuer aux pères de l’église une trop grande autorité; toutefois, malgré ces réserves, son travail mérite une étude attentive.

Le sujet de cette chapelle, l’institution de l’eucharistie, devrait être placé au-dessus de l’autel; mais l’architecte en a décidé autrement. Que mettra-t-on au-dessus de l’autel? Je l’ignore. Ce que je sais, c’est qu’il n’a pas dépendu de M. Périn de peindre la Cène dans un endroit mieux éclairé que l’espace demi-circulaire qui domine la porte de la sacristie. Il ne faut donc pas imputer au peintre la faute qui ne lui appartient pas. M. Lebas, lorsqu’il achevait son église, croyait avoir très heureusement imité Sainte-Marie-Majeure; il doit comprendre maintenant qu’il s’est trompé. Si Sainte-Marie-Majeure n’est pas un chef-d’œuvre, ce qui me paraît facile à démontrer, du moins la lumière n’y est pas distribuée d’une main avare; il ne manque aux peintures qui la décorent qu’un solide mérite pour être admirées. Dans Notre-Dame-de-Lorette, la lumière est mesurée avec tant de parcimonie, que le regard le plus attentif découvre à grand’peine ce que le peintre a voulu exprimer. Les deux coupoles placées à droite et à gauche de la porte principale, plus généreusement traitées que les coupoles du fond, laissent pourtant beaucoup à désirer sous le rapport de la lumière. Quant aux coupoles échues à MM. Orsel et Périn, il est impossible d’imaginer une disposition plus hostile à la peinture. La nature des lieux ne pouvant être changée, à moins qu’il ne plaise au conseil municipal d’obliger l’architecte à réparer sa faute en ouvrant à la lumière un nouvel accès, force nous est d’étudier la chapelle de M. Périn, comme si nos yeux pouvaient sans effort en embrasser toutes les parties.